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Le petit quotidien du Grand Ouest taille sa route face au mastodonte Ouest France grâce à un modèle diversifié qui inclut la presse, la télévision, le Web et l'organisation de la Route du rhum.

«Le Télégramme et Ouest France, c'est le village d'Astérix contre les armées de César», plaisante Patrick Richard, PDG du Journal des entreprises, qui vient de rénover la maquette de ses vingt-deux éditions départementales (voir page 32). Ce mensuel, propriété du groupe Le Télégramme, témoigne de la capacité du groupe de presse régionale à rayonner bien au-delà de ses frontières naturelles. Grâce à une diversification sur de nouveaux métiers, un goût ancien pour l'innovation technologique et le souci de sortir de son berceau… sans potion magique.

Basé à Quimper, le groupe Télégramme doit d'abord sa grande vivacité entrepreneuriale à un concurrent-mastodonte: Ouest France, premier quotidien français avec ses 758 464 exemplaires. Sa diffusion plus modeste de 203 495 exemplaires en moyenne, en 2009-2010 selon l'OJD, place Le Télégramme à la dixième place des quotidiens français. «La Bretagne a un lectorat extrêmement atypique. Il s'agit de la région française où les habitants lisent le plus de quotidiens», explique Marcel Quiviger, rédacteur en chef du Télégramme. Avec un taux de pénétration de près de 75%, les quotidiens régionaux de la région s'affrontent donc sur un marché extrêmement concurrentiel.

«Mais la particularité du Télégramme, c'est qu'il défend une identité bretonne plus forte que celle de son concurrent Ouest France depuis son bastion historique du Finistère», ajoute Marcel Quiviger. Une identité participant à la bonne santé du journal, qui affiche une diffusion en progression régulière depuis dix ans. Si Le Télégramme n'a pas échappé à la chute des recettes publicitaires (–10% en 2009), il reste rentable, avec un excédent brut d'exploitation de 8 millions d'euros. «Le chiffre d'affaires publicitaire est légèrement remonté en 2010, mais la contribution publicitaire dans les revenus du quotidien a régressé de 35% à 32%», détaille Édouard Coudurier, le PDG du groupe.

Relais de croissance très diversifiés

Derrière le bateau amiral, c'est l'ensemble du groupe Télégramme qui a su s'organiser et trouver des relais de croissance. Le quotidien pèse encore pour une part très majoritaire des recettes: 90 millions d'euros, sur les 135 millions de recettes annuelles engrangées par le groupe. «Le quotidien représente encore les deux tiers des recettes du groupe, mais il en représentait la totalité il y a douze ans», rappelle Édouard Coudurier. «L'objectif est de ramener cette part à 50% d'ici à quelques années», tranche-t-il.

Mais parmi les actifs du Télégramme, on compte également la société d'organisation de régates océaniques Pen Duick, qui gère notamment la Route du rhum. C'est le principal organisateur de courses à la voile en France. Autre actif en bonne croissance, l'agence de publicité Le Studio T. Originalement créée pour promouvoir Le Télégramme, elle compte maintenant huit sites en France et réalise un tiers de son activité hors de Bretagne. En 2009, elle a dégagé un chiffre d'affaires de 16 millions d'euros et une marge brute de 5,3 millions.

Autre pari ambitieux, la chaîne locale Télé Bretagne Ouest, dite Tébéo. Lancée le 30 novembre 2009, elle est détenue à 42,5% par Le Télégramme, 22% par des groupes bretons (dont Armor Lux) tandis que le solde appartient à un consortium de banques (Crédit agricole, Crédit mutuel, Caisse d'épargne). Après un an d'existence, la chaîne locale affiche un déficit de près de 250 000 euros. Pour l'heure, Tébéo propose un journal télévisé quotidien et un certain nombre d'émissions autoproduites. «La moitié des programmes est réalisée en interne et l'autre moité provient de partenariats, comme celui que nous avons avec Public Sénat et qui nous permet de diffuser trois émissions par semaine», explique Hubert Coudurier, directeur de l'information du Télégramme et président de Tébéo. La chaîne dispose d'un budget de 1,5 million par an, provenant à parts égales de la publicité, des partenariats et des municipalités. «Tébéo est une excellente vitrine pour Le Télégramme. Mais, maintenant, pour faire décoller la publicité au niveau national, il faut que les télévisions locales harmonisent leurs programmes», explique Hubert Coudurier.

Pour autant, les développements du groupe n'ont pas laissé de côté les activités papier. «Le papier a véritablement sa place dans notre recherche de relais de croissance», explique Édouard Coudurier. En lançant Le Journal des entreprises (JDE) en 2003 à Nantes, un mensuel consacré à l'information des dirigeants de PME en région, le groupe Télégramme fait le pari du support papier. Depuis Nantes, le JDE a essaimé dans vingt-deux villes françaises, bien au-delà du fief breton du Télégramme. Avec une diffusion de 120 000 exemplaires, il a dégagé un chiffre d'affaires de 5 millions en 2010 et devrait être rentable d'ici à 2012.

Le Télégramme a-t-il ainsi trouvé son modèle vertueux? Édouard Coudurier rappelle que son groupe n'a pas d'endettement et qu'il est toujours à l'affût «d'opportunités d'acquisition dans certains secteurs clés». En dehors du train-train du quotidien.

 

 

Le Web depuis près de quinze ans

Lancé en 1996, le site du Télégramme compte 3 millions de visiteurs uniques par mois. «Seule la partie locale est passée en accès payant», observe Olivier Clech, rédacteur en chef chargé du multimédia, qui précise que le site reste toutefois déficitaire, avec de faibles revenus issus du payant et que «le modèle est susceptible d'évoluer». La vache à lait est sans conteste le site de recherche d'emploi régional Regionsjob.com, qui a permis de récupérer une partie de la manne des petites annonces perdue sur le papier. Pour doper son audience, le quotidien régional a choisi de développer la vidéo. Le telegramme.com en a déjà mis en ligne 2 800, qui ont été visionnées quelque 3,7 millions de fois. Si le quotidien a d'ores et déjà un site mobile, il reste en retrait sur l'Iphone et l'Ipad, par lesquels il ne possède pas d'application propre. Pour Édouard Coudurier, le défi multimédia sera de «faire basculer les lecteurs sur une offre globale Internet, mobile et tablette, ainsi que de se développer autour de l'univers des réseaux sociaux».

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