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Sous l’impulsion de son patron, Stéphane Richard, le groupe télécoms annonce tour à tour une alliance avec Canal+ dans la télévision payante et un rachat partiel de Dailymotion.

Stéphane Richard, le directeur général de France Télécom-Orange, le reconnaît: «Nous sommes un gros animal avec des dizaines de millions de clients, nous n'avons pas toujours l'agilité pour être aussi réactifs que Dailymotion.» Le 25 janvier, alors qu'il annonçait sa prise de participation à 49% dans la plate-forme de vidéos (pour 58,8 millions d'euros, avec la possibilité de monter à 100% en 2013 pour une valorisation maximale de 200 millions d'euros), il n'a pas manqué d'insister sur le fait qu'il ne fallait «surtout pas» transformer ce site aux 93 millions de visiteurs uniques dans le monde en département de France Télécom: «Il faut laisser la start-up continuer à se développer et non l'écraser à l'intérieur du groupe Orange.»

Si le «gros animal» vient au secours du site français, qui cherchait à se mettre sous l'aile d'un généreux protecteur depuis 2007 (il visait une vente à hauteur de 350 millions d'euros), il poursuit aussi une stratégie de redéploiement susceptible de faire oublier son échec dans l'édition de contenus. Le 19 janvier, France Télécom-Orange a donné la mesure de ce désengagement en signant un accord de coentreprise avec Canal+, qui vise à fusionner son bouquet Orange Cinéma-Séries (près de 500 000 abonnés) avec TPS Star (600 000 abonnés). Objectif: couper une source déficitaire importante, de 50 millions d'euros pour le seul Orange, grâce à un budget commun de 100 millions d'euros, contre 80 millions d'euros pour chacun des deux bouquets.

Retour au métier de base

Stéphane Richard rappelle qu'avec le sport, les contenus représentent un effort d'investissement de 1,5 milliard d'euros en cinq ans. S'il rejette l'idée d'échec, il ne peut que constater qu'Orange n'a pas réussi son pari stratégique: «Les exclusivités ont mené à une impasse, souligne-t-il. On a cherché à en faire une aide pour l'accès à Internet, mais ça n'a pas marché: nous avons même eu les parts de conquêtes ADSL les plus basses de l'histoire.»

À l'instar de SFR, Vodafone ou Deutsche Telekom, Orange revient donc à son métier d'opérateur télécoms en tournant le dos à la création de chaînes. L'accord avec Dailymotion est d'ailleurs qualifié de «très emblématique». «Nous voulons passer de l'édition en propre à un rôle d'agrégateur et de diffuseur», martèle Stéphane Richard, qui veut donner accès à «un large éventail de contenus».

Comme pour Deezer, dont l'opérateur historique a pris 11% en juillet dernier, l'adossement de Dailymotion permettra de développer des abonnements payants parallèlement à son modèle gratuit. Le site musical n'est-il pas passé ainsi en six mois de 10 000 à 500 000 clients Orange? Et le partenariat est encore à l'œuvre dans les relations avec la presse ou le livre, comme en témoigne le kiosque numérique Read & Go.

Embarquement «natif» déterminant

Quant à Orange Sport, il devrait trouver une issue cette année. Si le projet d'une chaîne de la ligue apparaît «peu clair», l'idée d'un partenariat semble là encore privilégié. Eurosport (TF1) ou ESPN (Disney) sont cités, mais Stéphane Richard n'a pas exclu d'arriver à un accord de coentreprise avec Canal+, comme dans le cinéma. Coïncidence? Il a fait savoir qu'il ne concourra pas au prochain appel d'offres pour les droits TV de la Ligue 1 de football.

L'entrée dans Dailymotion correspond aussi à la volonté d'Orange de maîtriser au mieux l'accès à la vidéo, source de trafic de plus en plus importante sur tous les écrans. L'opérateur rappelle qu'un utilisateur de mobile sur trois regarde au moins une vidéo par semaine et que l'embarquement «natif» de Dailymotion sur les nouveaux terminaux, comme la TV connectée, sera déterminant à l'avenir.

 «Nous avons des accords de distribution avec tous les fabricants, dont Google TV», rappelle d'ailleurs Cédric Tournay, PDG de Dailymotion. Le site conservera sa régie publicitaire interne en France pour les vidéos gratuites. Mais, six ans après sa création, il pourra aussi proposer bientôt avec Orange des espaces premium sans publicité. Comme les images Internet de la Ligue 1?

 

 

Dailymotion en chiffres

2005. Fondation par Benjamin Bejbaum et Olivier Poitrey.

1 milliard. Nombre de vidéosvues par mois.
93 millions. Nombre de visiteurs uniques dans le monde (11,2 millions en France).
18 millions d'euros. Chiffre d'affaires en 2010 (15 millions en 2009).
5 bureaux, à Paris, New York, Londres, Barcelone et en Californie.
15. Nombre de langues et d'accords de distribution dans une dizaine de pays.
120. Nombre de collaborateurs.

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