internet
C'était l'événement média de ce début d'année. 240 journalistes ont assisté à la conférence de lancement du Huffington Post, piloté en France par Anne Sinclair.

Dans un bruit obsédant de froissement d'ailes, les flashs n'ont pas lâché les deux femmes. La brune et la blonde, Anne Sinclair et Arianna Huffington. Lundi 23 janvier, le siège du Monde, dans le treizième arrondissement parisien, était, comme se le répétaient entre eux les journalistes invités, «The place to be». Une expression anglo-saxonne pour le lancement d'un site américain: le Huffington Post, qui a mis en ligne ce jour-là, à six heures du matin, sa première «une», ou son premier «splash», comme on aime à l'appeler au «HuffPo».

 

L'auditorium du Monde a sans doute rarement connu telle affluence: les places étaient chères pour les 240 journalistes, français et étrangers accrédités. «Nous sommes heureux de voir qu'autant de médias se sont déplacés pour une start-up qui emploie huit journalistes...», s'amuse, un rien narquois, Louis Dreyfus, président du directoire du Monde. Le lancement du HuffPo, plus important événement média de l'année? Un peu indécent, sans doute, au regard de journaux comme La Tribune, dont les offres de reprise devaient être étudiées le même jour et dont la version papier quotidienne devrait prochainement s'arrêter...

 

En préambule, Arianna fait du Arianna: un show mâtiné de storytelling. «Lorsque j'avais onze ans, j'ai fait un voyage à Paris avec mon père et ma sœur...» Mais en habituée des médias, la flamboyante gréco-américaine le sait bien: aujourd'hui, tous les yeux ne sont pas sur elle, mais sur Anne Sinclair, silhouette amincie, en jean et escarpins bordeaux. La voix grave, si familière, au phrasé un peu heurté, énumère les cinq rubriques phares du site: présidentielle 2012, économie, international, culture et tendances, aux côtés des colonnes des contributeurs extérieurs, des liens vers d'autres sites et des espaces communautaires.

 

«Nous avons l'intention d'être divertissants, mais aussi sérieux et pointus: il ne s'agit pas de recopier ce qu'a écrit le site d'à côté, on a le droit de passer deux ou trois coups de fil quand on a le temps...», annonce Anne Sinclair. Ironie? Un ricanement parcourt la salle, qui se fera franche hilarité lorsque l'ancienne reine de l'info explique, faussement modeste: «On dit que le Huffington Post va profiter de mon carnet d'adresses: mais je n'ai pas plus de carnet d'adresses que n'importe qui!» Celui laissé à TF1 et LCI, en 1997, avait laissé bouché bée les journalistes de la rédaction...

 

Rares spontanéités arrachés à une communication huilée au millimètre, orchestrée non pas par les équipes du Monde (actionnaire à 34% du Huffington Post français, 51% pour AOL, 15% pour Les Nouvelles Editions indépendantes, la holding du banquier Matthieu Pigasse, lui-même actionnaire du Monde), mais par Anne Hommel d'Euro RSCG, l'une des conseillères en communication... de Dominique Strauss-Kahn.

 

De fait, l'ombre de DSK quittera rarement la conférence. Très vite, on ne parle plus que de cela: «Existe-t-il un risque de conflit d'intérêts?», s'inquiète le New York Times. Les yeux myosotis se lèvent au ciel: «Voilà une question que je n'attendais pas! Je n'écrirai pas sur le sujet, mais nous le traiterons en toute objectivité, ça ne fait pas un pli.» Une journaliste grecque intervient afin de «remercier DSK pour son aide à la Grèce». Flottement dans la salle.

 

«Je n'ai pas l'intention d'occuper l'espace médiatique. Je l'ai assez occupé à mon corps défendant», lâche Anne Sinclair, sans se déparer de son sourire. Et de quitter l'auditorium du Monde, un groupe auquel son destin semble décidément lié. En 1989, c'était accompagnée de Jean-Marie Colombani, alors chef du service politique du Monde et co-animateur de Questions à domicile sur TF1, qu'Anne Sinclair avait fait la connaissance de son mari, DSK. Lequel Colombani, à la tête de Slate.fr, est aujourd'hui... son concurrent direct.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.