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Le nouveau mode d’écriture s’installe aux côtés des documentaires et des reportages traditionnels. Les webdocumentaires bénéficient désormais de moyens importants pour devenir un genre à part entière.

«Web-truc!». C'est par une pirouette que Marco Nassivera, rédacteur en chef d'Arte Reportage, répond quand on lui demande la définition du webdocumentaire. Difficile de ranger ce nouveau genre de narration dans une case. Vidéos, images animés, graphismes, textes, animations... le webdocumentaire agrège toutes les formes d'écritures.

Au Figra (Festival international du grand reportage d'actualité), qui s'est tenu au Touquet (Pas-de-Calais) du 21 au 25 mars, le webdocumentaire s'était invité aux côtés des reportages classiques, ceux destinés à l'écran de la télé. «On travaille avec les mêmes infos, mais l'écriture est différente, explique Marco Nassivera. Il y a la spécificité du support, le Web, et le fait que l'on peut facilement mélanger différentes sources. L'internaute reconstruit l'histoire à sa façon.»

Inscrit comme en complément des programmes diffusés en télé, le webdocumentaire reste associé aux chaînes qui les hébergent: Gaza-Sderot,Prison Valley sur Arte, Manipulations sur France télévisions, Le Challenge sur Canal+... Mais il n'est plus question de making of, comme au début.

«Certes, j'ai récupéré des images non exploitées dans mon reportage, mais l'enquête reste la même et le webdocumentaire est construit totalement différemment: c'est un véritable jeu interactif», indique Lætitia Moreau, réalisatrice de Challenge, documentaire autour d'un procès sur le pétrole en Equateur.

«C'est une révolution, affirme de son côté Vincent Leclercq, directeur général du pôle images Nord-Pas-de-Calais. Le webdocumentaire raconte une histoire, mais, contrairement à la télé, le spectateur est actif.» L'internaute n'est pas pris par la main, il faut tout de même prendre soin de lui raconter une histoire, de le faire avec une forme ludique et une interaction technique attrayante.

Car le genre séduit un public plutôt jeune qui se détourne de la télé. «Il faut aller à la rencontre des personnes qui ne sont plus face à l'antenne, répond Hervé Brusini, directeur des rédactions Web de France Télévisions. Nous sommes un service public, et ne pouvons pas laisser de côté ces nouveaux usages.»

Prolongement de la série documentaire de France 5, diffusée à l'automne 2011, le webdocumentaire Manipulations sur l'affaire Clearstream est présenté comme un jeu de piste. «L'objectif n'était pas de faire un bonus, mais d'exploiter l'enquête grâce à un travail graphique qui tient beaucoup de la réalisation audiovisuelle, raconte Alexandre Brachet, le président de l'agence Web Upian. Aucun modèle n'existe, car chaque histoire est différente.»

Signe que le genre a trouvé sa place, les projets de webdocumentaires bénéficient de budgets propres. Manipulations a coûté un peu moins de 300 000 euros, dont 120 000 euros versés par France Télévisions. Le solde provient d'aide à la création, comme n'importe quel autre programme. Toutefois, le coût de la majorité des projets s'établi autour de 50 000 euros. Des frais que les chaînes privées ne sont pas encore prêtes à investir. La majeure partie des webdocumentaires est diffusée sur les sites des chaînes publiques, d'Arte ou de France Télévisions. Avec des documents comme Ma Vie au mitard, Le Monde est également très engagé dans ce mode de narration, souvent en association avec d'autres acteurs.

Le webdocumentaire attend aussi un nouveau genre de publicité pour se développer. «Malgré des audiences pouvant se compter en millions et des durées d'écoute importantes, aujourd'hui, notre investissement se fait à fonds perdus», avoue Marco Nassera, d'Arte.

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