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Canal+ diffusera en novembre une série fantastique sur des morts-vivants, "Les Revenants", tandis que "The Walking Dead" bat des records d'audience outre-Atlantique. Les zombies ont-ils détrôné les vampires?

De ce genre de vision, on se réveille en général pantelant, en nage, le cœur affolé. Avant de se blottir à nouveau dans ses draps, rasséréné: ce n'était qu'un mauvais rêve. Simon Delaitre n'aura pas cette chance. Au détour d'un cimetière, le jeune homme découvre sa propre pierre tombale, et les dates de sa courte vie: 1979-2002. Dans cette petite ville de montagne, Simon, Camille, Serge et Julie reviennent d'entre les morts. Rien dans leur apparence ne montre les stigmates de leur trépas. Eux-mêmes mettront un certain temps à le découvrir, confrontés à l'effroi de leurs proches et à la redécouverte d'un monde devenu étranger.

 

Esthétique glacée, décors givrés... Les Revenants, nouvelle fiction de Canal+, opère un charme mortifère. La chaîne cryptée diffusera en novembre cette fiction originale, d'un budget de 11 millions d'euros, réalisée par Fabrice Gobert, qui a cosigné le scénario avec l'écrivain Emmanuel Carrère. «Le fantastique n'avait pas été traité en France depuis longtemps, hormis dans le cinéma de genre, souligne Fabrice de La Patellière, directeur de la fiction française de Canal+. Nous voulions produire un série plus intimiste qu'horrifique, éloignée de l'esprit apocalyptique de The Walking Dead.»

 

Dans la série américaine, qui en est à sa troisième saison sur la chaîne AMC (Mad Men, Breaking Bad), les morts-vivants n'ont pas le teint frais et laiteux de leurs congénères français. Le zombie y est livide, pourrissant et surtout assoiffé de sang humain. Le premier épisode de la saison 3, diffusé il y a quelques semaines, a réalisé une audience historique pour le câble américain: 11 millions de téléspectateurs, soit «plus que les derniers épisodes de Desperate Housewives», souligne Vincent Broussard, directeur général adjoint des chaînes de TMC (et de NT1) sur laquelle la première saison sera diffusée à partir du 2 novembre le vendredi soir, après Vampire Diaries.

 

Les vampires doivent-ils rejoindre leurs cercueils? Après la vague Twilight, en 2009, les succubes semblent avoir laissé place à un autre genre de monstre, entre vie et mort. «On a coutume de dire que les personnages de vampires et de zombies reviennent en temps de crise», remarque Pierre Langlais, journaliste spécialiste des séries télévisées et animateur de l'émission Saison 1 Episode 1 sur la radio Le Mouv'. «Ils seraient le symptôme des peurs générées par des virus comme le SRAS, les catastrophes comme Fukushima, l'accélération des nouvelles technologies», ajoute-t-il.

 

La matrice? La Nuit des Morts-Vivants, de George A. Romero, en 1968, premier volet d'une saga qui, sous les corps fétides et l'hémoglobine, cacherait une dénonciation du capitalisme américain, sans autre issue que l'auto-dévoration. Selon Maxime Coulombe, sociologue et professeur d'histoire de l'art contemporain à l'université de Laval (Canada) et auteur de Petite Philosophie du zombie (Presse universitaires de France), «ce personnage a gagné une nouvelle modernité». «A notre époque constamment menacée par les épidémies, décrypte-t-il, le nucléaire, le réchauffement climatique, le zombie représente la fin du monde, et la volonté, un peu perverse, de voir notre monde éclater. Peut-être pour le reconstruire, d'ailleurs.»

 

Le chercheur distingue «le zombie, qui n'a pour lui que son nombre, et incarne le pire de l'être humain» et «le revenant, un fantôme envoyé de l'au-delà pour corriger un dysfonctionnement, obtenir une réparation». Les revenants, les fantômes, les morts-vivants symboliseraient aussi, selon Maxime Coulombe, «le retour du refoulé, une manière de mettre à distance le plus grand tabou de la société occidentale, de moins en moins ritualisé: celui de la mort». Eternelle revenante.

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