Depuis trois saisons, le chercheur en immunologie emmène chaque samedi les auditeurs de France Inter à la découverte de phénomènes scientifiques méconnus dans Sur les épaules de Darwin. Interview.

D'où vous est venue l'idée de faire cette émission il y a trois ans?

Jean-Claude Ameisen. Ce qui allait conduire à l'idée de l'émission de radio, c'est la lecture de mon livre Dans la lumière et les ombres - Darwin et le bouleversement du monde par un homme que je ne connaissais pas, Philippe Val, en 2008. Devenu quelques mois plus tard directeur de France Inter, Philippe Val m'a proposé de participer une fois par mois en tant que grand témoin, à partir de septembre 2009, à la belle émission de Mathieu Vidard La Tête au carré. Au bout de quelques mois, il m'a proposé d'animer une émission hebdomadaire d'une heure. Il m'a laissé entièrement libre de la conception de cette émission. J'ai accepté, parce que l'aventure me paraissait passionnante.

 

Comment résumeriez-vous le concept de l'émission?

J.-C.A. Partager, sous la forme du conte, avec des personnes venant de tous les horizons, ma passion pour les réflexions philosophiques, les découvertes scientifiques, les romans et les poèmes, les témoignages de personnes remarquables rencontrées au hasard de l'existence, que je partageais jusque-là dans le cadre plus restreint de mes conférences, de mes livres, de mes articles et de mes conversations.

J'aime raconter, en mêlant l'émotion à la raison. En faisant percevoir que ressentir permet de mieux comprendre, et que comprendre permet de mieux ressentir. Tenter de faire de la démarche scientifique et de la démarche éthique des composantes à part entière de la culture. Il y a plus de deux mille ans, Lucrèce a écrit son grand livre scientifique, De Natura Rerum, sous la forme d'un immense poème, en vers. Il a dit que la beauté du poème permettait de mieux comprendre le contenu scientifique et philosophique qu'il voulait transmettre.

 

Dans vos émissions, l'imaginaire occupe une place très importante. Est-ce que cela implique de choisir des sujets scientifiques particuliers pour vos émissions?

J.-C.A. La lecture est pour moi une passion, un besoin, depuis l'enfance. Je lis beaucoup de livres. Quant aux articles scientifiques, depuis trente ans, depuis que j'ai commencé la recherche scientifique, je lis, non seulement dans mon domaine, mais dans tous ceux qui m'intéressent. Je suis un étudiant. Je ne cesse d'apprendre.

Tout sujet scientifique intéressant pourra a priori faire partie, un jour, d'une émission. Cela dépendra du contexte... Certains jours, c'est un article ou un ouvrage scientifique particulier qui évoquera en moi des textes littéraires, des réflexions philosophiques ou éthiques, et qui fera émerger l'émission. D'autres fois, le point de départ sera un texte littéraire que je viens de lire, ou une réflexion philosophique, qui entrera en résonnance avec un sujet scientifique que je n'avais jusque-là pas abordé, faisant surgir une préfiguration de l'émission. Souvent, c'est un mélange des deux.

 

Comment préparez-vous cette émission?

J.-C.A. Je suis seul à penser, à construire et à écrire le texte, après avoir choisi et lu les articles scientifiques et les livres dont je vais parler, et dont j'indique chaque semaine, sur le site de l'émission, les références scientifiques et littéraires. L'équipe mise à la disposition de l'émission par France Inter met ma voix en ondes de la manière la plus agréable possible aux auditeurs, selon les critères de la station.

Le temps que je consacre à l'émission est plus un temps de lecture et de réflexion, à partir d'un très grand nombre d'articles publiés par les plus grandes revues scientifiques du monde que je lis chaque semaine, et aussi de livres - des romans, des essais, des poèmes. C'est surtout un temps de réflexion, plus qu'un temps d'écriture.

Durant les six premiers mois, je n'écrivais pas: j'improvisais, comme je le fais dans mes conférences. Mais j'ai trouvé que l'écriture permettait de mieux contrôler le temps, qui était contraint par celui nécessaire au passage des chansons programmées par la chaîne... Et j'ai commencé à écrire, dans un style proche de la langue orale, la langue des contes. J'enregistre en général en milieu de semaine, le mercredi dans la soirée, dans les conditions du direct.

 

Etes-vous surpris par les audiences et le nombre de téléchargements en podcast de ce programme?

J.-C.A. Je suis surpris, mais surtout très ému. Emu par leurs messages, ému par leur très grande diversité.

 

Pourquoi avoir décliné l'émission en livre, avec la parution en octobre dernier de l'ouvrage Sur les épaules de Darwin: les battements du temps?

J.-C. A. C'était une demande de nombreux auditeurs. J'ai repris une quinzaine d'émissions, sur près de cent au total, et je les ai réécrites, faisant un nouveau voyage, pour qu'elles puissent être lues en silence.

D'après les chiffres récemment communiqués par France Inter, les ventes seraient actuellement de 70 000 exemplaires. De nombreuses personnes m'ont dit l'avoir offert à leurs proches après l'avoir lu, elles considèrent que c'est un livre qui fait du bien, et cela me touche profondément.

 

Envisagez-vous d'autres déclinaisons?

J.-C. A. J'ai plusieurs propositions dans ce sens. Inventer les émissions, semaine après semaine, et en réécrire certaines sous la forme d'un livre, c'est une aventure passionnante, mais elle me prend tout mon temps libre. J'ai d'autres activités et je dois préserver du temps pour ces activités.

 

Pour en savoir plus:

- lire Stratégies du 7 février 2013, rubrique Making of (p.24)

- se rendre sur la page officielle de l'émission

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.