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Malgré l’accélération de la baisse de la diffusion en 2012, conséquence de l’effondrement des ventes en kiosque, l’audience des journaux et magazines résiste. Explications d'un paradoxe.

2012 restera une année noire pour la presse française. En un an, la diffusion France payée des titres grand public a reculé de 3,8%, après 2,3% de baisse en 2011, selon les chiffres de l'OJD. A elle seule, la vente au numéro individuelle a reculé de 7,1%. Une baisse en accélération, loin d'être compensée par l'essor des versions numériques des journaux et magazines. «La diffusion numérique a un rôle modérateur. Sans elle, l'accélération de la baisse de la diffusion serait encore plus forte», nuance Patrick Bartement, directeur général de l'OJD.

Particulièrement touchée, la presse quotidienne nationale perd 7,8% en 2012. Les quotidiens régionaux ont reculé de 2,3% quand la presse magazine baisse de 4,4%. Premier responsable, selon Patrick Bartement, «la situation plus qu'inquiétante du réseau de distribution». Sur dix ans, les ventes en kiosque de la presse grand public ont reculé de 34,6% alors que les abonnements, qu'ils soient postés ou portés, ont été stabilisés dans le même temps (+0,4%). Rien qu'en 2012, sur fond de mouvements sociaux à Presstalis, on compte 1 082 points de vente de moins, selon l'Union nationale de diffuseurs de presse (UNDP). «Quel secteur économique supporterait cela? Je lance un cri d'alarme aujourd'hui: attention à ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain», s'inquiète le directeur général de l'OJD.

Paradoxalement, les audiences de la presse, elles, restent d'une remarquable stabilité. Selon l'étude One 2012, présentée à l'occasion du 23e Observatoire de la presse, organisé le 21 mars par l'OJD et Audipresse à Paris, l'audience globale a progressé de 0,4% par rapport au dernier cumul publié (One 2001/2012), et à univers constant. Chaque Français lit en moyenne sept titres en 2012. Treize des vingt familles de presse suivies présentent une progression d'audience, pour un total de 146 titres en hausse sur les 276 étudiés.

Parmi les hausses significatives, celle enregistrée par Le Point (+ 279 000 lecteurs en un an), Modes & Travaux (+190 000), Vogue (+142 000) et GQ (+123 000). A noter dans les baisses significatives, celle de M, Le Magazine du Monde (-217 000 lecteurs en un an), de Marianne (-152 000), de Parents (-110 000) et de Marie-France (-108 000).

Un résultat qui contraste avec des diffusions généralement en berne. «Il y a toujours eu des écarts entre les chiffres de diffusion et d'audience, explique Nicolas Cour, directeur général d'Audipresse, qui pilote l'étude One. Depuis l'arrivée de la nouvelle méthodologie de l'étude, les écarts auraient plutôt tendance à s'amenuiser.»


Un taux de circulation en hausse

Autre explication, selon Nicolas Cour, «un titre qui baisse en kiosque ne baisse pas forcément en audience: les lecteurs ne sont pas forcément acheteurs». Pour preuve, les taux de circulation, autrefois très stables, ont tendance à augmenter: les quotidiens et les magazines comptent un demi-lecteur de plus par rapport à la période précédente. «Ceci peut expliquer la stabilité générale des résultats», estime Nicolas Cour. «Face à un pouvoir d'achat qui n'augmente pas, les lecteurs s'échangent beaucoup plus les titres entre eux», confirme Hervé Ribaud, directeur du département presse chez Havas Média.

L'audience des titres de presse profite également d'un effet «halo», conséquence du déploiement des marques médias. «Les marques de presse sont les marques médias dont les gens entendent le plus parler, que ce soit sur Internet, sur les réseaux sociaux ou à travers les retombées éditoriales, comme les revues de presse», note Yves Del Frate, directeur général d'Havas Média.

Une partie de ces multiples expositions est prise en compte dans l'étude One qui, en plus de l'audience print, mesure le rayonnement des marques sur les supports digitaux. «Au global, les lectures digitales ont progressé de 11% par rapport au dernier cumul, avec beaucoup de dynamisme du côté des tablettes et des smartphones», note Nicolas Cour. Aujourd'hui, 42% des Français, soit 21,5 millions d'individus, lisent au moins un titre de presse en version numérique. Et, poursuit-il, «ce n'est pas parce qu'on lit de plus en plus sur le digital qu'on abandonne le papier: c'est aussi ce qui explique la stabilité des audiences».

Pour Véronique Priou, directrice du pôle presse chez Vivaki (Publicis), l'audience dépend beaucoup de la notoriété de la marque de presse, laquelle dépasse les supports print ou digitaux. «Le travail que mènent les éditeurs sur les réseaux sociaux ou en créant des événements extérieurs peut créer un décalage entre diffusion et audience, explique-t-elle. La méthodologie de l'étude One n'est absolument pas en cause mais il devient nécessaire de pouvoir mesurer la notoriété et l'influence des marques de presse, y compris sur les réseaux sociaux, pour densifier l'audience "brand."»

Autre défi, et non des moindres, la transformation du succès d'audience du digital en revenus. «Les marques de presse se renforcent, mais sans forcément en tirer d'avantage immédiat, en l'absence de business model sur les formats digitaux, estime Sophie Renaud, directrice de l'expertise presse chez Aegis Media. Les modes de consommation se transforment en profondeur, notamment avec le gratuit. Le lancement par le groupe Marie-Claire, historiquement dévolu au payant, d'un gratuit haut de gamme [Stylist] est à cet égard lourd de sens.»

 

Encadré

 

Les gagnants de l'année

 

Parmi les titres distingués par les Etoiles de l'OJD pour leur progression en diffusion en 2012, citons Aujourd'hui en France, dont la diffusion individuelle France payée a gagné 8 288 ex. et Les Echos (+3,3%), également récompensé pour sa constance dans le succès (+2 431 ex en quatre ans), avec La Voix du Nord lundi (+4 463 ex). Santé Magazine a reçu deux étoiles (+30 361 ex en un an, +56 580 ex depuis 2008), Valeurs Actuelles, une (+2 466 ex), comme Causette (+44,5%). Parmi les sites distingués, Lefigaro.fr, Leboncoin.fr et, pour leur application mobile, L'Equipe et Public.

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