numérique
Dans son rapport sur l'«Acte II de l'exception culturelle», la mission Lescure répond aux souhaits du gouvernement de réformer la loi Hadopi sans bouleverser les dispositifs existants.

«Un socle solide et ambitieux pour l'exception culturelle 2.0», selon la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), «une concertation sans précédent» qui tient compte de la nouvelle donne d'Internet, pour la Société civile des auteurs multimédia (Scam), un rapport «qui préconise des pistes de financement crédibles», d'après la Société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs (ARP), une «vision positive et ambitieuse des industries culturelles», selon la Société des éditeurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem)…

Les 80 propositions du rapport Lescure, présenté le 12 mai, ont été bien accueillies par les sociétés de droits. Seule fausse note: le Syndicat national de l'édition phonographique (Snep), les producteurs de disques, qui y voit des «erreurs d'analyse» et un document qui «hypothèque l'avenir de la production musicale». Revue de détail d'une mission «Culture acte II» qui se propose de «consacrer le numérique comme mode principal d'exploitation».


Une taxe sur les appareils connectés. «Prendre le relais de la rémunération pour copie privée»: c'est l'un des objectifs majeurs assigné par la mission pour financer la création. Explication: l'assiette d'une telle redevance assise sur les supports physiques (CD, DVD…), qui rapporte près de 200 millions d'euros, permet de prendre en compte l'enregistrement des œuvres à des fins privées. Problème: le développement du «streaming» au détriment du téléchargement de copies, l'amélioration des débits, notamment en mobilité (4G), ou le «cloud computing» favorisent l'accès direct en ligne. D'où l'idée d'instaurer «une taxe sur les appareils connectés» qui ciblent directement les smartphones, tablettes, ordinateurs ou téléviseurs connectés. La taxe doit servir à «accompagner la transition numérique des industries culturelles», notamment la photographie et la musique. Un taux «très modéré» de 1% est évoqué, soit un apport de 85 à 100 millions d'euros.


Taxer You Tube plutôt que Google. Le rapport écarte l'idée d'une taxe Google en faveur des éditeurs de presse et de musique. «Sa fiabilité juridique reste douteuse», estime-t-il. La notion de référencement, le périmètre des bénéficiaires, l'assiette ou la répartition sont vus comme autant d'obstacles. La mission recommande «une analyse fine» du droit à la rémunération au titre du référencement, les accords contractuels du type IPG (Information presse généraliste) lui paraissant parcellaires. En revanche, elle suggère de taxer You Tube (comme Dailymotion), c'est-à-dire les plates-formes vidéos sur Internet, en élargissant aux services installés à l'étranger ou financés par la publicité la taxe sur la vidéo à la demande.


Une chronologie des médias remaniée. Avancer à trois mois (au lieu de quatre) le délai à partir duquel un film peut-être disponible en VOD après sa sortie en salle, raccourcir à dix-huit mois (contre trois ans) la fenêtre d'exploitation de la vidéo à la demande par abonnement… Selon Pierre Lescure, ancien PDG de Canal+, cette dernière disposition, qui mettrait la souscription (SVOD) avant les chaînes gratuites (22 ou 30 mois) «ne lèserait pas les exclusivités d'acteurs majeurs de la télévision payante» alors que se profilent Netflix et Amazon. A voir… La mission souhaite aussi rendre glissantes les fenêtres sur les films de moins de cent copies ou encore «interdire ou limiter le gel des droits VOD pendant les diffusions télévisées».

 

Un super CSA. Le rapport propose enfin la suppression de la Hadopi (Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet). A la place, il reviendrait au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) le soin de réguler les pratiques culturelles en ligne et de lutter contre la consommation de fichiers pirates. Pour ce faire, la mission Lescure propose de maintenir la réponse graduée, reposant sur une succession d'avertissements, en allant jusqu'à «une somme forfaitaire de 60 euros, nettement majorée en cas de récidive» (contre 1 500 euros aujourd'hui). Elle invite le gouvernement à renoncer à la pénalisation en abrogeant la peine de suspension de l'abonnement à Internet, contraire à la Convention européenne des droits de l'homme.

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