Medias
Le Petit Robert et le Larousse, ont annoncé, fin mai, la liste des nouveaux mots inclus dans leurs éditions 2014. Avec la part belle aux expressions médiatiques et aux mots issus du numérique...

«Bombasse», «chelou», «low cost», «texter» (écrire des textos), «itinérance», «microblog», «viralité»... Pour la sortie de son édition 2014, le 14 juin, le Petit Robert ne nous a pas épargnés en nouveaux mots (crus). Son concurrent, le Larousse, rivalise avec son propre cru fort en «hashtag» (mot-dièse), «flashmob», «mème» (un concept parodié qui circule sur la Toile), «surdiagnostic»... Sur quels critères les éditeurs de dictionnaires intègrent-ils des mots et expressions nouveaux? A partir de quels moments en établissent-ils l'usage?

Chaque année, près de 150 vocables et locutions intègrent le classement, impitoyablement sélectionnés, à l'issue d'un vote du comité éditorial, parmi 2 000 repérés (sur les 60 000 mots que recense un dictionnaire). «On compte 3 000 mots de base dans la langue, puis 30 000 mots de culture générale, et enfin 30 000 mots techniques, utilisés dans des univers: médecine, chimie...», souligne Jean Pruvost, directeur du laboratoire CNRS "lexiques et dictionnaires" de l'université de Cergy-Pontoise.
Sans surprise, la première source de veille vient des grands utilisateurs de novlangue: «Nous avons une phase d'observation d'un an, dans les médias, la littérature, la publicité... de façon à repérer les mots qui passent dans le grand public. On scrute leurs occurrences», explique Marie-Hélène Drivaud, directrice éditoriale au dictionnaire Le Robert. «Depuis quelques années, beaucoup viennent des sciences, des médias et des technologies: il y a des réalités qui apparaissent, des nouveaux comportements et qu'il faut nommer», complète Carine Girac-Marinier, directrice des dictionnaires et encyclopédies chez Larousse.

Avec une certaine surreprésentation des néologismes et anglicismes dans l'univers du numérique, faute d'équivalent en français. Tel le hashtag de Twitter, dans le nouveau Larousse: «On l'a intégré en entrée principale, car c'est le plus utilisé, ajoute Carine Girac-Marinier. Si nous avons précisé dans la définition le terme “mot-dièse”, suite à la recommandation officielle parue sur ce sujet, l'usage prévaut».
On retrouve aussi une sur-représentation des expressions médiatiques toutes faites, telles «bien-pensance», «grande cause nationale» ou «clivant» dans le Robert, que dénonçaient déjà Patrick Rambaud et feu Michel-Antoine Burnier dans leur satirique Dictionnaire du journalisme sans peine (éd. Plon, 1997).

Enfin la galoche

Pour les linguistes, c'est bien l'usage par le grand public qui consacre un mot. Avec des nuances. «Il y a des critères de sélection objectifs, comme la fréquence d'utilisation de mots par les médias, et des critères subjectifs: les mots que l'on entend, dont on ne sait s'ils vont durer. Exceptés des mots médiatiques (“bravitude”), un mot technique figure dans le dictionnaire quand il quitte la sphère professionnelle», analyse Jean Pruvost.

Ce qui est particulièrement vrai dans ces mots issus des technologies, comme le textoter chez Larousse, le texter chez Le Robert. D'où, parfois, un décalage dans le temps: la «galoche», version française du «French kiss» usitée depuis longtemps dans les cours de collèges, entre juste dans le Robert. «Il faut qu'un mot sorte d'un microcosme pour intégrer le dictionnaire», justifie Marie-Hélène Drivaud.

Dotés chacun d'un certain sens commercial, les deux éditeurs ont des lignes éditoriales différentes. Le plus ancien, le Larousse, est méfiant envers les anglicismes, les termes familiers ou à la mode. «C'est le dictionnaire du patrimoine, attentif à enregistrer des mots authentifiés, dans la norme. Alors que le Robert a parfois le plaisir de la provocation», estime Jean Pruvost.

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