L'Etat n'aura pas à rembourser aux opérateurs Orange, SFR, Bouygues Telecom ou Free les 1,3 milliard d'euros provisionnés dans sa loi de finances 2013.

C'est une divine surprise pour le gouvernement français, qui s'attendait à devoir rembourser 1,3 milliard d'euros aux opérateurs de télécommunications, dont 950 millions d'euros pour la période 2009-2012. La Cour européenne de justice a en effet validé jeudi 27 juin la taxe dite «taxe Copé» prélevée depuis 2009 et imposée aux opérateurs de communications électroniques pour compenser la suppression par Nicolas Sarkozy de la publicité sur les chaînes publiques après 20 heures.

La somme, qui avait été provisionnée dans la loi de finances 2013 en prenant en compte le montant du produit de la taxe depuis sa création - intérêts compris -, avait même été transformée en créances, lesquelles avaient été rachetées par des banques aux opérateurs Bouygues Telecom et SFR en misant sur une issue favorable à leurs intérêts, selon La Tribune.

La taxe porte sur 0,9% du chiffre d'affaires total de ces opérateurs (France Télécom, Bouygues Telecom, SFR, Free, etc.). Les revenus générés ne sont pas directement affectés à France Télévisions mais au budget de l'Etat, qui verse ensuite une dotation à la télévision publique.

Abondement assuré de 250 millions d'euros

Alors qu'une loi sur la communication est attendue à la fin de l'année et que les procédures de nomination des patrons de l'audiovisuel public doivent être réformées en juillet, l'arrêt de la Cour européenne de justice va permettre au gouvernement français d'envisager la réforme du financement de France Télévisions avec moins d'urgence politique.

Le maintien de la taxe, qui évite un manque à gagner de près de 250 millions d'euros par an, rend sans doute moins indispensable une extension de l'assiette de la redevance en faveur de l'audiovisuel public (ordinateurs, tablettes, résidences secondaires, etc.).

C'est aussi un camouflet pour la Commission européenne, qui estimait que les taxes imposées aux opérateurs de télécoms soient «directement liées» à la couverture des coûts de la réglementation du secteur des télécoms.

La Cour européenne de justice, excluant qu'il s'agisse d'une taxe administrative, a rejeté cet argument. «Cette taxe est en rapport avec l'activité de l'opérateur, qui consiste à fournir des services de communications électroniques aux usagers finals en France», souligne-t-elle dans son arrêt.

Réactions contrastées dans l'audiovisuel et les télécoms

Les réactions se sont multipliées dans la matinée du jeudi 27 juin. Dans un communiqué conjoint, les ministres Pierre Moscovici (Economie et Finances), Aurélie Filippetti (Culture et Communication) et Bernard Cazeneuve (Budget) estiment que «le financement du service public de l'audiovisuel est ainsi sécurisé»: «Les arguments de la France ont convaincu les juges européens qu'il était possible, sans violer le droit communautaire, de taxer les fournisseurs d'accès

La Fédération française des télécoms regrette les conséquences prévisibles sur leur activité économique dans un secteur très concurrentiel. «La Cour a jugé qu'une taxe de 0,9% du chiffre d'affaires des opérateurs pouvait entrer dans le champ des charges administratives susceptibles de leur être imposées dans le cadre de la législation européenne, malgré l'impact d'une telle taxe sur leurs capacités d'investissement

La Société civile des auteurs multimédias (Scam) demande que l'ex-redevance soit augmentée de 3 euros par an pendant les quatre prochaines années. «Si cette source de financement (250 millions d'euros) est donc sauvée, le financement global du service public reste cependant en danger. La baisse annoncée de la dotation de l'Etat et celle des recettes publicitaires plaident, une nouvelle fois, pour la revalorisation de la contribution à l'audiovisuel public (ex-redevance)», indique-t-elle.

La Société des auteurs compositeurs dramatiques (SACD) invite la Commission à «prendre acte au plus vite de cette décision et à en tirer toutes les conséquences». Au regard de cette jurisprudence, elle demande à la Commission de valider la nouvelle mouture de la taxe sur les services de distribution de télévision (TSDT), qu'elle bloque depuis plus d'un an, «au nom de cette lecture très rigoriste de la réglementation applicable aux télécoms».

Depuis plus d'un an, en effet, Bruxelles refuse de valider ce dispositif voté à l'unanimité par le Parlement français visant à empêcher le contournement irrégulier par certains fournisseurs d'accès à Internet de la taxe qu'ils doivent au CNC au titre de leurs activités de distribution de services de télévision. «Chaque mois, l'inertie de la Commission fait perdre plus de 11 millions d'euros au CNC, qui sont de fait détournés du financement de la création», indique la SACD. L'ARP, société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs, est sur la même ligne.

L'arrêt de la Cour intervient dans un contexte de tensions entre Paris et Bruxelles sur l'exception culturelle, après que la France a obtenu l'exclusion totale de l'audiovisuel du champ des négociations commerciales entre l'Union européenne et les Etats-Unis.

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