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Lagardère Active lance Elle Man, déclinaison masculine bimestrielle de Elle, qui entend parler de style aux hommes.

«Notre fille à poil, la voilà». Hiératique, d'une beauté grave, le pur visage de l'actrice iranienne Golshifteh Farahani constitue l'unique ornement féminin du premier numéro d'Elle Man. Pour les pépées affolantes, on repassera.

«On ne peut plus faire ce coup-là aux lecteurs, estime Edouard Dutour, rédacteur en chef du nouveau bimestriel masculin, lancé le 3 octobre par Lagardère Active. Mater les filles, on peut le faire sur Internet. Mais on ne s'interdit pas, à l'avenir, de montrer davantage de jolies femmes, s'il y a une histoire à raconter.»

D'autres n'ont pas eu ces pudeurs. Suivez mon regard... Voilées-dévoilées par une mousseline noire, les rotondités de Léa Seydoux ont, il y a quelques semaines, assuré de vigoureuses ventes au premier numéro du nouveau Lui, signé Frédéric Beigbeder, dont les 350 000 exemplaires se sont arrachés. «J'ai dit à Beigbeder: merci, tu me chauffes la place!», rigole Edouard Dutour.

Le Elle Man chinois, lancé en 2009, avait déjà préparé le terrain. Gros comme un bottin, le masculin asiatique gorgé de publicité a décidé les équipes de Elle, chapeautées par Valérie Toranian, directrice de la rédaction, à appliquer le chromosome XY à son fameux hebdomadaire. Dans les années 1990, le groupe s'était déjà essayé à l'exercice avec Il, qui avait fait long feu.

 

«Le style est l'homme même»

«Le marché n'était pas dans la même dynamique, analyse Valérie Toranian. Entre l'héritage anglo-saxon de GQ et le côté "club" de Lui, il y a une place à prendre pour une marque inédite: aujourd'hui, dès la cour du lycée, les garçons sont des experts de la mode

«Le style est l'homme même», affirmait l'académicien Buffon au XVIIIe siècle. Trois siècles après, il semble que la gent masculine soit très préoccupée par son style... vestimentaire. «Les hommes n'ont plus besoin de se justifier d'avoir du goût, d'aimer les jolies choses, sans être snob, remarque Edouard Dutour. Il s'agit de créer du style, pas de la mode modasse.»

En couverture, le rugueux Matthias Schoenaerts, remarqué dans De Rouille et d'os de Jacques Audiard. «Vous voyez, il porte un T-shirt blanc et un trench de la marque APC, pas les pièces les plus chères du marché!», insiste le journaliste.

Sur le prix facial de Elle Man, en revanche, Lagardère Active ne transigera pas: 3,50 euros, sans promotion. «Nous voulons nous confronter d'emblée à notre diffusion réelle», explique l'éditeur Franck Espiasse-Cabau, qui ambitionne une diffusion «autour de 80 000 exemplaires» et envisage, en cas de succès, un passage à une périodicité mensuelle.

Les lecteurs, dont Edouard Dutour espère qu'ils iront «du garçon boucher au PDG», seront sollicités pour donner leur avis sur le magazine, via un questionnaire accessible par QR code.

Le premier numéro de ce «masculin décomplexé», comme le définit son rédacteur en chef, contient 50 pages de publicité sur 180 pages. S'y télescopent une série sur le jean chic avec le DJ Brodinski, un article sur Manuel Valls signé Anna Cabana (journaliste au Point, dirigé par Franz-Olivier Giesbert, le compagnon de Valérie Toranian), un récit de Marc Dugain, qui imagine Bill Clinton en first lady...

Mais aussi une interview de Bret Easton Ellis. Celui-là même qui, dans American Psycho, engendrait l'effroyable Patrick Bateman, obsédé par son apparence jusqu'à la psychose... «C'est l'écrivain préféré des garçons, estime Edouard Dutour. Il est emblématique d'une génération balayée par la révolution digitale.» Soit.

Pas question en tout cas d'oublier la matrice dont le titre est issu. Elle Man, résume son rédacteur en chef, «se placera dans la filiation de Elle, sorte de marraine subliminale du magazine». Espérons que, pour son baptême, il recevra de jolis habits...

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