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L'affaire du bijoutier de Nice et son million et demi de pouces levés sur Facebook a constitué un précédent. Le like, dérive de la vox populi ou indicateur fiable de l'opinion ?

En trois heures, lundi 30 septembre, plus de mille personnes avaient déjà levé le pouce. Combien de «likes» la page Facebook «Soutien au buraliste de Marseille», créée au matin d'un nouveau fait divers, va-t-elle susciter? Atteindra-t-elle, pour soutenir celui qui a blessé un braqueur de 17 ans, le million et demi de pouces levés sur la page «Soutien au bijoutier de Nice»? L'affaire, dans laquelle le commerçant Stephan Turk tirait, le 11 septembre, une balle mortelle sur un braqueur, avec, dans son sillage, des relents nauséabonds: commentaires racistes, propos orduriers, prises de position extrêmes...

Le cas niçois a, sans aucun doute, créé un précédent. Antoine Barret, rédacteur en chef adjoint du Parisien, en charge du Web, l'a constaté sur les pages Web du journal, qui permettent, comme dans la plupart des sites de médias, de recommander un article sur Facebook: «Durant les dix derniers jours, au moins deux articles ont dépassé la barre des 50 000 recommandations: les aveux de la mère de la petite Fiona et les premières déclarations du bijoutier niçois.»

 

Des contenus souvent polémiques

Chaque jour, on compte 4,5 milliards de likes sur Facebook. «Sachant qu'il y a en France plus de 25 millions d'utilisateurs de Facebook, dont 17 millions qui se connectent tous les jours, on comprend comment cette tentation d'appréhender le like comme un thermomètre en temps réel de l'humeur des Français», souligne Guilhem Fouetillou, cofondateur de Linkfluence, société spécialisée dans l'écoute et l'analyse du Web social. Avec un facteur d'impulsivité maximal: «Le like est un acte de peu d'implication, il n'a pas été conçu pour marquer une mobilisation politique, c'est l'expression d'une énergie brute», rappelle-t-il.

Dès lors, quelle valeur donner à ces likes? «Est-ce que l'on like la recherche de vérité des journalistes? Existe-t-il une vision commune de ces gens qui appuient sur un bouton? Une représentativité?», s'interroge Jérémie Mani, président de l'agence de modération Netino. «J'en doute: si 1% des internautes "likent" un article, c'est un grand maximum.» Des épiphénomènes, les likes? Peut-être. Le vrai chantier est sans doute ailleurs, du côté de celui démarré par le Groupement des éditeurs de services et contenus en ligne (Geste) la semaine du 23 septembre sur la valorisation éditoriale des contenus constructifs et intéressants, alors que, comme le rappelle Jérémie Mani, «les contenus les plus "likés" sont toujours les plus polémiques».

 

 

Un modérateur

Jérémie Mani, président de l'agence Netino

Pas grand-chose. Si les likes sont représentatifs, ils le sont, le plus souvent, d'une communauté qui a intérêt à exprimer son mécontentement: pour commenter sur une page, il faut la «liker» mais ensuite, la plupart des commentaires sont négatifs... La grande majorité silencieuse ne «like» pas. On sait aussi que les mouvements d'extrême droite sont très habiles pour détourner ce type d'outils et de propos. Il ne faut pas voir le like comme un moyen de donner son opinion, mais plutôt comme un bouton de partage: il est plus utile d'analyser les commentaires.

 

Un journaliste

Antoine Barret, rédacteur en chef adjoint du Parisien, en charge du Web

Un simple indicateur. De loin, les sujets les plus «likés», partagés ou commentés sont ceux traitant de faits divers, de politique ou de l'actualité people. Avec un effet démultiplicateur lorsque l'article cumule ces différents thèmes, comme lors de l'affaire Dominique Strauss-Kahn. Pour un quotidien populaire comme Le Parisien-Aujourd'hui en France, l'impact Facebook est évidemment un critère à surveiller de près. Cela peut parfois jouer sur le traitement d'une affaire à j+1 dans le journal. Toutefois, nous ne sommes pas focalisés dessus car sinon nous ne traiterions que de la télé-réalité ou de l'actualité des people, qui suscitent le plus de réactions.

 

Un influenceur

Guilhem Fouetilllou, cofondateur de Linkfluence

Un sondage en devenir. Même si on ne peut en assurer aujourd'hui totalement la représentativité, Facebook est en train de devenir un terrain de sondage en temps réel et global. Sa force par rapport aux sondages traditionnels est que les personnes n'ont justement pas l'impression de répondre à un sondage lorsqu'elles «likent»; il y a une spontanéité bien plus importante mais aussi une volonté affirmative, c'est un geste public contrairement au vote dans l'isoloir. C'est un terrain d'observation pour les gouvernements mais aussi pour les marques afin de mieux comprendre les attentes de leurs consommateurs.

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