télévision
France 5 diffusera trois dimanches de suite, du 13 au 27 octobre, «Dans le secret du Conseil des ministres», une série documentaire sur le huis clos du pouvoir.

La scène se déroule en 2008, quelques jours après la faillite de la banque Lehman Brothers. Roselyne Bachelot, alors ministre de la Santé, raconte l'anxiété qui se lit sur les «visages gris» à l'Elysée, en Conseil des ministres. Nicolas Sarkozy prend la parole pour expliquer qu'il ne veut plus entendre un seul couac. L'heure est à l'union sacrée derrière le chef. Un témoignage qui résonne de façon singulière, dans le documentaire Dans le secret du Conseil des ministres, après la mise au point réalisée le 2 octobre par François Hollande à la suite des désaccords exprimés en public par Manuel Valls et Cécile Duflot au sujet des Roms. En Conseil des ministres toujours, Jean-Marc Ayrault a lui-même regretté que ses 37 ministres s'expriment «dans tous les sens», avant d'être prié par le chef de l'Etat de «veiller encore davantage» à la coordination de la communication du gouvernement...
Ainsi va la vie, ou plutôt les vies du Conseil des ministres. Dans leur film, en trois épisodes, qui sortira sur France 5 les 13, 20 et 27 octobre, les coauteurs Bérengère Bonte et Ella Cerfontaine, se sont intéressées à ce lieu symbolique du pouvoir qui a pour particularité de ne pas être filmé.

 

Un compte rendu écrit à l'avance

«On a pu tourner deux minutes d'un Conseil de Hollande, et il y avait six minutes d'archives sous Georges Pompidou», explique Ella Cerfontaine, également réalisatrice des documentaires. Le Conseil des ministres donne lieu à un compte rendu de sortie qui est écrit d'avance car on sait ce qui va être dit. Là, nous avons réalisé 47 interviews de ministres ou d'anciens ministres et nous revenons sur des moments où la réunion est un peu sortie des rails». Comme ce jour de 1995, lors du dernier Conseil de cohabitation de François Mitterrand, où le président, grave et digne, prend la parole pour édicter une parole en forme de testament. Le long de la table, un mot circule de place en place: «On s'en fout». Edouard Balladur revient dans le film sur cet incident. «Il est le seul à savoir qui est l'auteur de ce mot mais il ne nous a rien dit», confie Ella Cerfontaine.
Si la réalisation souffre parfois d'un manque cruel d'images - que cherche à compenser un collage photo sur une prise de vue de la salle du Conseil -, les témoignages sont souvent piquants. Michel Rocard excelle dans l'art de raconter sous Mitterrand la «trajectographie», cette science militaire qui consiste à savoir où va tomber le missile. Lorsque, ministre du Plan en 1982, il soutient, face au monarque républicain, l'idée de nationalisations partielles (et non à 100%), il croit voir, dit-il, ses «yeux tomber sur la table» au moment où il reçoit l'appui de Robert Badinter.

On y devine les courtisans - «Nous étions encore pénétrés par l'idéologie étatiste», s'excuse Jack Lang - ou les champions de l'amour vache - Frédéric Mitterrand parlant d'un «dérapage» de Sarkozy en campagne pour sa réélection, et intraitable avec Michèle Alliot-Marie pour son attitude «à côté de la plaque» en Tunisie. «Beaucoup de ministres disaient: il ne se passe rien, passez votre chemin. En réalité, il s'y passe beaucoup de choses. On y voit des hommes (surtout) seuls avec leurs moments de lâcheté et de courage», prévient Bérengère Bonte. Dans la salle de projection de France Télévisions, ce 3 octobre, beaucoup d'anciens ministres: Jean-Pierre Chevènement, Jean-Louis Debré, ou Roselyne Bachelot qui confie dans le film se souvenir de communications de collègues dont elle n'avait «pas entendu un traître mot». Pour eux, le groupe public a soigné son cocktail en ces temps de disette, avec un Vieux Papes à 2 euros 55 le litre. Il n'y a pas que le Conseil des ministres pour faire passer les messages...

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.