Régie
A l'instar de Pierre Chappaz, président d’Ebuzzing qui défend la publicité vidéo sur le Web, les acteurs du Net cherchent à séduire les annonceurs de la télévision.

Debout, chemise rayée et pantalon noir, Pierre Chappaz fait son show devant les quelques centaines de spectateurs réunis le 8 novembre, à Paris, par l'EBG (Electronic Business Group). Le patron d'Ebuzzing, créateur de Kelkoo, prédit un bel avenir à la vidéo publicitaire sur Internet. Chiffres à l'appui, il estime que la télévision devra partager son gâteau dès 2015.

«Le transfert des budgets de la publicité vers le “online” va s'accélérer», affirme Pierre Chappaz en reprenant les prévisions de Zenith-Optimedia: en 2015, la télévision représentera 40,2% des investissements publicitaires mondiaux, contre 40,3% en 2012. «Le plafond a été atteint, observe-t-il. Seul Internet progressera.» Selon lui, si la part de la vidéo n'est que de 3% des investissements sur Internet, la moitié des annonceurs l'utilisent. Et, l'expérience aidant, ces marques devraient augmenter leurs investissements dans ce média. 

Cyril Zimmermann, président et directeur général d'Hi-Media, confirme que sa régie est passée à l'offensive en recrutant, pour son département Plein écran, Florence Brame, ex-directrice commerciale de M6: «Notre ambition est d'aller chercher les annonceurs de la télévision, dit-il. Même si la vidéo est le segment qui croît le plus vite, la grande majorité des annonceurs n'ont pas basculé.» (Cf. Stratégies n°1744) La régie Ad Videum prévoit une croissance de 12% de la vidéo en 2013. Le nombre d'annonceurs actifs est passé de 319 à 352, soit une hausse de 10,3%. Les secteurs les plus sensibles sont les mêmes que ceux de la télévision: grande consommation, cinéma-télévision-musique, automobile, beauté, banque-assurance. Quant au public, il reste majoritairement masculin (58,8% des vidéos visionnées).

 

Internet, l'univers du ciblage

«La vidéo est un réservoir de croissance important pour le digital, mais cela reste encore un segment relativement petit: un peu plus de 100 millions d'euros en France selon l'Irep, sur des investissements totaux de 2,7 milliards pour la publicité sur Internet», relativise Hélène Chartier, directrice générale du Syndicat des régies Internet (SRI).

«La vidéo publicitaire en ligne fait le lien entre plusieurs leviers, notamment le brand content et l'expérience de marque», argumente Pierre Chappaz. La publicité à la télévision est subie et le téléspectateur ne se sent pas concerné par les produits proposés. Sur Internet, l'engagement est plus fort». Notamment pour des campagnes interactives.

«Il ne faut pas opposer les deux médias, ils sont complémentaires», répond Baptiste Manin, directeur marketing et développement de E-TF1. «Le brand content ou l'expérience de marque sont des méthodes également utilisées à la télévision», rétorque Ronan de Fressenel, directeur général adjoint en charge du marketing et des études de M6 Publicité, qui refuse le match télévision contre Web. «Au contraire, le même message sur les deux médias optimise la mémorisation», signifie-t-il.

«Internet est l'univers du ciblage, déclare Pierre Chappaz. Le “reporting” y est plus facile, en temps réel et plus précis. Plus que la mesure des “occasions de voir” (ODV), sur Internet, on mesure les conversations.» De quoi faire hurler les régies traditionnelles qui mettent en avant les mesures d'audience quotidiennes de la télévision (Médiamétrie) disponibles dès le lendemain sur 44 cibles de base.

 

Mesurer les usages médias

«Internet ne s'achète pas sur cible, au contraire de la télévision qui reste un média de masse proposant des coûts au GRP précis», rappelle Ronan de Fressenel, de M6 Publicité. «Au-delà des supports, ce sont les usages médias que nous devrons mesurer à l'avenir», avance Hélène Chartier, du SRI.

Toutefois, tous les professionnels se retrouvent sur un point: la publicité vidéo sur Internet ne doit pas être traitée de la même manière qu'à la télévision. Pour Pierre Chappaz, un spot diffusé en «pré-roll» du visionnage d'un programme fait fuir l'internaute. «97% des utilisateurs partent avant la fin de la diffusion de l'écran publicitaire, affirme-t-il. Il faut être “natif” et intégrer la publicité de manière intime et pertinente dans le contenu.»

Sans oublier les différences de comportement: une vidéo à la télévision n'est pas regardée de la même façon que sur un ordinateur ou un téléphone mobile. «Les campagnes doivent être adaptées aux objectifs de l'annonceur et aux supports», confirme Baptiste Manin, de E-TF1. «Le travail doit se faire sur les aspects différenciant des supports, rappelle Hélène Chartier. Par exemple, quand en télévision, un spot se termine par la signature de la marque, sur Internet, il est plus opportun de commencer avec.»

Le match télévision contre Internet a-t-il lieu d'être? «Non, conclut Ronan de Fressenel de M6. Les choix de l'annonceur iront vers les médias les plus efficaces sur les ventes, et non en arbitrant entre ces deux seuls supports.»

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