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Si les médias traditionnels avaient déjà dû repenser leur diffusion pour compenser la numérisation des audiences, ceux qui ne possèdent pas nativement le gène de la vidéo doivent désormais faire face à l’essor de son usage. A chacun sa riposte.

Pour Isabelle Vignon, directrice expertise médias du groupe Dentsu Aegis Network, « internet n’est plus rien sans la vidéo, qui porte tout, sur ordinateur ou mobile ». Cette nouvelle donne a un impact profond sur la presse écrite comme sur la radio, médias historiquement éloignés du format, même si bon nombre s’y préparent depuis déjà quelques années.
Pour ces éditeurs, le sujet devient prioritaire. Et ici comme dans les start-up, on s’est souvent trompé et on a recommencé. Autant d’expériences qui aboutissent à des stratégies différentes, assorties de moyens techniques et d’investissements à géométrie variable. Ainsi, quand certains misent sur des équipes agiles qui collaborent avec les journalistes, d’autres privilégient un pôle indépendant. C’est le cas du groupe Figaro, qui, avec un investissement évalué à 8 millions d’euros, a créé sa marque 100 % vidéo, Figaro Live. « Nous voulions rester le premier site d’information en France et cet objectif ne pouvait être atteint sans virage réel », explique son directeur des nouveaux médias, Bertrand Gié. Le groupe Prisma Media a, lui, misé sur les deux tableaux, en dotant chaque pôle d’une équipe vidéo, tout en rachetant le groupe Cerise, éditeur des sites Gentside et Ohmymag, qui comptent plus de 100 millions de visites par mois. « Nous gardons une indépendance éditoriale, tout en collaborant avec les titres du groupe Prisma au cas par cas. Nous produisons entre 2 500 et 3 000 vidéos mensuelles, ce qui permet à Prisma Media d’être le premier publisher vidéo français », précise Pierre Orlac’h, directeur général délégué et cofondateur du pure player.
Un enjeu important

Quelle que soit sa forme, la diversification vidéo pourrait rapporter gros. En premier lieu, elle permet un élargissement des audiences. « Avec une stratégie de contenus adaptée, constate Nicolas Pellet, head of video pour les publications Condé Nast, notre communauté sur la chaine YouTube de Vogue a été multipliée par six en un an. » À charge pour tous d’apporter un soin particulier à ces nouveaux fidèles, souvent jeunes et qui participent activement à la construction de l’image de la marque par leur engagement.
La vidéo permet aussi d’enrichir la vision éditoriale d’un titre, à la condition de savoir proposer une tonalité propre. « Faire de la vidéo pour faire de la vidéo ne mène à rien, il s’agit d’un format à part entière, qui requiert son story­telling spécifique, martèle Anne de Kinkelin, responsable du Parisien TV. Nous avons tous les mêmes informations, à chacun de savoir se différencier. » C’est probablement là que le bât blesse, beaucoup de titres péchant par manque de personnalisation ou, au contraire, par volonté de s’adapter aux codes du moment. Or, comme le rappelle Bertrand Gié : « ce qui existe déjà ne présente pas de valeur ajoutée », raison qui explique probablement les cartons pleins de ses lives participatifs autour du jardinage ou du sommeil, qui ont généré respectivement 300 000 et 400 000 vues.
La nouvelle écriture du direct fait recette

« S’il présente un risque d’échec, car sans filet, le direct reste unique pour l’émotion et le potentiel de viralisation qu’il génère naturellement », analyse Christophe Israël qui, avant de rejoindre fin septembre Libération, a fait en moins de trois ans passer France Inter à dix heures de radio filmée par jour. Partout, les premiers essais, intégrant de manière systématique l’interaction avec les audiences, tiennent leurs promesses. Ainsi, les showcases musique du Parisien TV oscillent entre 100 000 et 250 000 vues pour des artistes comme Julien Doré ou Black M, et pointent à près de 650 000 sur la prestation de la chanteuse américaine LP.
Seule ombre au tableau dans cette aventure, celle de la monétisation. Car, si la diffusion sur site ou sur YouTube permet l’insertion d’une publicité pre-roll, la majorité des vues réalisées sur Facebook n’offrent pas de possibilité de commercialisation. Le réseau social, dont les algorithmes privilégient la vidéo, promet des solutions, en testant notamment Ad Breaks, format publicitaire inséré au milieu des contenus. En attendant, les éditeurs misent sur le sponsoring des programmes. Certains vont un cran plus loin : Condé Nast a ainsi créé Condé Nast Stories, agence de brand content qui met au service des marques le savoir-faire éditorial du groupe.
Dans cette effervescence, des passerelles inédites se créent : Prisma Media permet à Groupe Cerise de lancer la version papier glacée du site Ohmymag, magazine féminin millennial. Et Off, format vidéo animé par Michel Denisot et imaginé par les équipes de Condé Nast pour Vanity Fair, est adapté en format long par Paris Première. De quoi donner envie de continuer.

Wibbitz, la production vidéo en avance rapide
Dans leur quête de diversification, certains médias traditionnels se trouvent contraints par des capacités de production réduites. C’est sans compter sur la plateforme automatisée Wibbitz, qui permet de créer des vidéos rapidement et à grande échelle en utilisant des formats adaptés aux différents usages, et avec un algorithme qui puise dans des fonds documentaires partenaires pour animer le texte. « Il suffit de vingt minutes, et non plus de deux heures, pour monter une vidéo », résume Laurent Lasserre, directeur du marché français, qui compte déjà comme clients TF1, Prisma Presse, le groupe Le Figaro ou Le Parisien TV. Ce dernier titre peut produire jusqu’à 200 vidéos par mois avec la plateforme, matière pouvant elle-même générer jusqu’à 150 millions de vidéos vues. Seuls bémols, le logiciel, auto-apprenant, demeure plus performant sur les grands faits d’actualité que sur les sujets de niche et, de l’avis de certains, une étape manuelle est nécessaire pour intégrer la spécificité éditoriale du titre au rendu final, facteur essentiel pour émerger dans un contexte de saturation des contenus.

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