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On attendait Xavier Niel, c'est finalement Carlos Ghosn qui s'invite au capital de Challenges. Le patron de Renault, quatrième annnonceur français, et Claude Perdriel, ont annoncé l'entrée minoritaire du groupe automobile à 40% dans le capital du groupe de presse. L'information a d'ores et déjà été confirmée à la rédaction du magazine économique. Outre Challenges et Sciences et Avenir, le pôle média de Claude Perdriel comprend les titres de Sophia Publication (La Recherche, L'Histoire, Historia et le Nouveau Magazine littéraire).

En prenant pied dans le groupe de presse, via une augmentation de capital, Renault veut pouvoir proposer aux automobilistes, utilisateurs de voitures connectées et/ou autonomes, des services et des «contenus éditoriaux adaptés». Il s'agit de créer un «lab d'innovations afin de concevoir les nouveaux contenus éditoriaux embarqués et les technologies adaptées», selon un communiqué de presse de Renault. «Chacun, dans son véhicule, sera en mesure de choisir, puis de commander, informations et contenus puisés dans les productions d'un groupe de presse entièrement dédié à la connaissance et au savoir», est-il indiqué.

«Ce projet s'inscrit pleinement dans la stratégie du groupe Renault, qui vise à offrir de nouveaux services connectés et à améliorer l'expérience de ses clients», a déclaré Carlos Ghosn. «Il faut qu'on regarde la possibilité de créer du contenu à la demande, en fonction du profil de l'utilisateur", sous la forme de textes ou d'émissions audio ou vidéo». Alors que l'ensemble des 10 millions de véhicules de l'Alliance Renault-Nissan devrait être connecté en 2022, le PDG fait le pari que «le contenu déterminera le choix de la voiture» quand les clients n'auront plus à s'occuper de tenir le volant et que les véhicules seront tous équipés d'écrans embarqués.

Renault, l'une des grandes entreprises du CAC 40, est aussi le quatrième annonceur français. Selon Doc News, le constructeur a investi 466 millions d'euros bruts dans les médias français en 2016. Près de 20% ont été investis dans la presse, dont près d'un tiers dans les magazines. Les investissements bruts de Renault dans la presse magazine peuvent donc être évalués à 27 millions d'euros bruts. Entre janvier et octobre 2017, selon Kantar Media, Renault a investi 18,4 millions d'euros bruts sous forme de pages de publicité dans la presse magazine, dont près de 600 000 euros dans Challenges. Soit, en volume, 18 pages depuis le début de l'année. 

Moult grandes entreprises dans la presse

L'entreprise automobile n'est pas le premier grand annonceur à investir dans la presse. LVMH, la première capitalisation du CAC 40, est également propriétaire à 100% des Echos et du Parisien. Altice, qui détient la marque SFR, est aussi propriétaire de L'Express et de Libération alors que Xavier Niel, le fondateur de Free, est copropriétaire du groupe Le Monde, aux côtés de Matthieu Pigasse. Quant au groupe Pinault (Kering), il détient Le Point. Il est néanmoins plus rare qu'un partenaire industriel soit minoritaire dans le capital d'un groupe de presse magazine. Dans le passé, L'Oréal a détenu 49% du groupe Marie Claire avant d'en sortir en 2001.

Claude Perdriel a décidé, il y a deux ans, de faire appel à un acteur industriel pour accompagner son développement. La magazine Challenges affiche une diffusion payée en France de 207 031 exemplaires, selon l'ACPM, avec une dynamique positive (+8,8% en 2016/2017). En revanche, il accuse un certain retard sur le volet numérique. La prise de participation de Renault vise à financer les développements du groupe Challenges, notamment dans le digital et l'activité événementielle. Sur le plan budgétaire, le magazine connaît de graves difficultés. Il a été contraint d'engager un plan d'économies et de favoriser le départ de plusieurs journalistes ces derniers mois. Renault va investir 5 millions d'euros et éponger les dettes du groupe, a précisé Claude Perdriel.

Renault à la Une de Challenges!

Les journalistes de Challenges continueront à traiter de l'actualité automobile de façon «indépendante», selon sa direction, et la Renault en Une de son numéro à paraître jeudi est une «coïncidence».

Dans un communiqué, le bureau de la Société des Journalistes de Challenges déplore que, «le jour même de l’annonce de l’entrée de Renault dans le capital du groupe, la Une du magazine datée du 13/12 soit consacrée à un dossier intitulé « La voiture, tout change ! » et illustrée par une Renault au premier plan. Il estime que cette concomitance nuit gravement à l’image du journal, même si les journalistes auteurs du dossier affirment avoir pu travailler en toute indépendance».

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