Médias
Les assistants vocaux posent un triple défi à la presse et à l’audiovisuel : approfondir la relation avec les audiences actuelles, les faire grandir et contenir l’appétit des nouveaux venus. La bataille ne fait que commencer.

Amour, travail, argent ou santé ? L’application du magazine Elle destinée aux assistants vocaux est un horoscope. « Nous voulions apporter un service simple, avec la fréquence la plus élevée possible », révèle Flore Segalen, directrice générale déléguée en charge du digital du pôle féminin de Lagardère Active. Les autres médias ont choisi pour leurs applications lancées fin 2017 et début 2018, sur Google Home pour l’essentiel, des prestations plus classiques : titres des informations récentes, résumés d’articles, résultats de sondage (Le Figaro) ou quiz (L’Équipe). Les radios proposent un choix plus étendu, avec l’écoute d’émissions en direct ou en replay. Côté télévision, le groupe France Télévisions s’est distingué lors des Jeux olympiques d’hiver avec une application fournissant les résultats des épreuves (lire l’encadré ci-dessous).
Toutefois, hormis Radio France, qui revendique 330 000 utilisateurs ayant écouté les titres de Franceinfo via Google Home en janvier, les audiences des autres médias restent encore modestes. Les enseignements sont cependant réels, notamment sur l’ergonomie des applications. Au Figaro par exemple, il est vite apparu que la fin des échanges devait évoluer, comme l’explique Anne Pican, éditrice digitale : « Les utilisateurs disaient “Au revoir”, “Terminer” ou “ Fermer” pour quitter l’application, plutôt que “Quitter”, le terme que nous avions choisi. » 
Comment personnaliser ?

Les éditeurs cogitent déjà sur les étapes suivantes, d’autant qu’Amazon devrait lancer ses enceintes Echo mi-avril en France. Et la personnalisation vient au premier rang des objectifs. « Nous pourrions envisager une version plus personnalisée, où l’utilisateur pourra se loguer pour obtenir la valeur de son portefeuille boursier ou les news de son secteur, si les usages de la data évoluent dans ce sens », analyse Étienne Porteaux, directeur de la diffusion et du marketing client du groupe Les Échos-Le Parisien. Elle planche sur un élargissement à des propositions liées à l’habillement et aux sorties, et sur des réponses à des situations de la vie quotidienne. « Par exemple, cela pourrait être intéressant de proposer des recettes à partir des ingrédients qui se trouvent déjà dans le réfrigérateur de l’utilisateur », illustre Sophie Rollin, directrice des projets. L’Équipe compte sur la curiosité des amateurs de sport. «En regardant une retransmission sportive, une personne peut en effet souhaiter en savoir plus sur tel ou tel athlète, indique Emmanuel Alix, directeur du pôle numérique. Nous pourrions alors lui apporter un complément intéressant d’information via l’application. »
Le Figaro se penche de son côté sur l’intérêt de recourir à de vraies voix, révèle Anne Pican : « Au vu de la croissance que nous enregistrons depuis trois ans sur la vidéo, la voix peut constituer un moyen d’aller chercher d’autres publics sur de nouveaux usages, à domicile ou en mobilité. » Des dérivés des vidéos pourraient ainsi constituer l’amorce d’un tel dispositif. 
Les radios pleines d’ambitions

Fortes de leur expérience dans l’univers sonore et de la qualité de leurs contenus, les radios affichent de solides ambitions. Radio France souhaite ainsi devenir un acteur de référence grâce à ses 10 000 productions quotidiennes. « Nous voulons être en mesure de répondre à des attentes aussi diverses que le besoin de se distraire ou de savoir ce qu’est le bitcoin », explique Laurent Guimier, directeur délégué aux antennes et aux contenus du groupe public. 
Avec les mêmes arguments, RTL se voit déjà en mesure de contrecarrer les nouveaux venus éventuels. « Marmiton pourrait devenir un concurrent de RTL lorsqu’il s’agit de cuisiner par exemple, déclare Charles-Emmanuel Bon, directeur du développement. Mais nous maîtrisons l’univers sonore, ce qui n’est pas le cas de Marmiton. » Mieux encore : dans le groupe auquel appartient RTL se trouve aussi Cuisine AZ, de quoi créer une offre spécifique bénéficiant du savoir-faire sonore de la station.
Audience : quatre leviers pour agir

Le Figaro a quant à lui déjà commencé à se pencher sur le modèle économique. « Il y a plusieurs options : soit faire appel à la publicité en pré-roll, soit faire de ce service une brique supplémentaire de l’abonnement », estime Anne Pican. Aucun modèle ne sera cependant viable sans attirer une audience suffisante. La bataille sera d’autant plus rude que les recherches effectuées avec les assistants vocaux ne fournissent qu’un résultat, celui qui aura réussi à se faire attribuer la « position zéro ». Le référencement n’est cependant qu’un moyen parmi d’autres de se distinguer, indique Laurent Guimier : « Pour être préféré aux autres fournisseurs de contenus, nous avons quatre leviers à mobiliser : le référencement ; la relation avec les opérateurs, qu’il s’agisse de Google, d’Amazon et d’autres ; l’indexation de nos contenus ; et la création d’une interface conversationnelle. » Sans être indispensable, la consultation de l’horoscope peut motiver les équipes en charge de cette lourde mission.

France Télévisions en mode challenge technologique

Dans la course aux assistants vocaux, France Télévisions a choisi d’attaquer d’emblée la face nord. Son projet LiA, disponible depuis le 10 février dernier, a en effet apporté aux utilisateurs d’assistants vocaux les résultats des compétitions des Jeux olympiques d’hiver de Pyeongchang. « Nous avons choisi la thématique du sport, car elle est particulièrement complexe à gérer du fait du grand volume de données produites en permanence, explique le directeur innovations technologiques de France Télévisions Éditions numériques, Bernard Fontaine. C’est un challenge pour France Télévisions d’accélérer la maîtrise de cette technologie. » Cette version de LiA succède à une première mouture, présentée en 2017 au tournoi de Roland-Garros, qui était intégrée à la recherche replay sur les interfaces numériques classiques. Avec les Jeux olympiques, le défi a pris une autre dimension : « La plupart des services d’assistants vocaux sont basés sur du déclenchement de podcasts enregistrés, complète Bernard Fontaine. Ici, les problématiques sont nouvelles, puisqu’il s’agit d’interfacer des datas brutes avec les demandes orales des utilisateurs exprimées en langage humain naturel. On est bien sur une offre grand public, mais totalement orchestrée par un premier niveau d’intelligence artificielle. »

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