L'actu vue par...
Guillaume Dubois, directeur de L'Express, nous donne son point de vue sur l'actualité de la semaine écoulée.

Les différences de style entre les interviews de Macron sur TF1 puis BFMTV.

 

 oilà bien la preuve qu’il y a autant d’interviews possibles que d’intervieweurs. Le chef de l’État a doublement innové. D’une part en décidant de (se) programmer deux face-à-face télévisés d’importance à seulement trois jours d’intervalle pour jouer la complémentarité des styles et des publics. Sur TF1 il a voulu s’adresser, dans le calme, à un électorat statistiquement plus âgé et moins urbain. Il a délivré ses messages du moment sans trop risquer la contradiction. Pernaut a fait du Pernaut, il connaît son public, et le décor d’une salle de classe plus vraie que nature n’incitait pas non plus à la bagarre. Résultat : RAS, Rien à signaler. Sur BFMTV, le Président a tenté de convaincre des Français peut-être plus politisés. Et plus habitués, pour le coup, au débat musclé. D’où la seconde innovation, ce choix d’un duo improbable de journalistes connus pour leur pugnacité. Avec un résultat qu’il faut saluer : jamais interview présidentielle ne fut aussi « libérée » dans le ton. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas Bourdin ou Plenel, ce fut un moment de télé qui fera date. Chapeau BFMTV. Et, au passage, bien joué Macron, qui a réussi cet examen de fin de première année. Côté répartie et endurance, s’entend. Les annonces politiques, manifestement, seront pour une autre fois.

 

 

Les frappes en Syrie et le rapport déclassifié du Ministère des affaires étrangères.

Donald Trump, Emmanuel Macron et Theresa May avaient tous les trois une forte envie de prouver à leurs électorats respectifs qu’ils mettaient leurs actes en accord avec leur parole, là où leurs prédécesseurs Obama, Hollande et Cameron avaient flanché en 2013 après une première attaque chimique en Syrie. Le sort du conflit n’en est en rien modifié mais ces trois grandes puissances peuvent au moins réaffirmer qu’il y a, même à la guerre, des limites à ne pas franchir. Et les égos sont satisfaits. Il n’est pas illégitime, dès lors, compte tenu de l’enjeu, d’étayer aux yeux de l’opinion la décision d’intervenir militairement en rendant publics des documents qui émanent des services de l’Etat et semblent confirmer la responsabilité du pouvoir syrien dans cette affaire. Si un doute venait à survenir par la suite, l’Exécutif pourra toujours s’abriter derrière ce rapport…

 

 

¼ des Français prêt à quitter Facebook malgré les excuses de Zuckerberg.

Il y a un monde entre l’évocation, l’intention et la décision. Seul l’avenir le dira mais je ne parierais pas sur un grand nombre d’abandon de Facebook. Les adeptes du réseau social savent qu’ils se mettent tout nu, que ce n’est pas bon pour leur santé (on prend froid…) mais, un peu comme les fumeurs, décident de continuer malgré tout. Mais cette affaire Cambridge Analytica est un premier coup de semonce : ce sondage montre à quel point Facebook fait face à une véritable crise de confiance et d’image. Le sympathique Mark Zuckerberg en T-shirt et baskets s’est brutalement transformé en Dark Vador. A ce propos, il serait utile que l’on s’interroge aussi sur le rôle de Facebook en tant que distributeur d’informations, avec les bons et les mauvais côtés, et sur les critères utilisés par ses algorithmes.

 

 

La Loi sur le secret des affaires au Sénat.

L’intention est bonne : mieux protéger les entreprises contre l’espionnage industriel. Mais le risque est grand, au vu du premier texte présenté, de voir cette loi porter atteinte à la liberté d’informer et mal protéger ceux que l’on appelle les lanceurs d’alerte. La frontière est en effet ténue entre un secret des affaires souvent nécessaire et la transparence de plus en plus grande qu’exige désormais une opinion soucieuse d’éthique. Ce texte a beau être la transposition d’une directive européenne, il faut encourager les sénateurs à faire preuve de subtilité et de créativité juridique afin de mieux garantir cette liberté fondamentale.

 

 

Les résultats d'audience des marques de presse globalement en hausse (One Global).

Grâce au numérique, les marques de presse n’ont jamais eu autant de lecteurs et c’est tant mieux. L’usage du journal papier s’effrite mais l’écrit lui-même est plus que jamais nécessaire. La presse d’information écrite a donc un bel avenir… grâce aux écrans. Reste le modèle, notamment économique. Jusqu’à aujourd’hui, à cause d’un aveuglement généralisé, une consommation gratuite de l’information a remplacé le fonctionnement historique de la presse qui demandait à ses lecteurs de payer pour la lire. Après avoir voulu croire au seul financement publicitaire, les éditeurs voient bien que ce n’est plus tenable. Les dix-huit mois qui viennent verront une accélération de la bascule des sites de presse vers un modèle d’abonnement payant. L’Express, qui vient de fusionner son site d’actualité avec l’hebdomadaire pour créer une offre éditoriale unique déclinée en deux expériences complémentaires de lecture, s’engage résolument dans cette direction.

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