SVOD
L’application américaine, qui permet de regarder les offres de rattrapage des chaînes et propose en sus de la vidéo à la demande, inspire les grands groupes audiovisuels français.

En 2013, Régis Ravanas, directeur général adjoint du groupe TF1, plaidait déjà pour une plateforme commune réunissant les accès aux programmes des chaînes sur le modèle de l’appli américaine Hulu. Et puis Netflix est arrivé en France – totalisant 3,5 millions d’abonnés – les usages se sont délinéarisés, la consommation OTT a explosé et Molotov s’est taillé une place au soleil en proposant le replay des chaînes, hors M6 et TF1. Aujourd’hui, le même Régis Ravanas, chargé de la publicité et de la diversification au groupe TF1, persiste et signe : « Il y a davantage d’urgence aujourd’hui car le contexte a changé, souligne-t-il, les développements de la consommation en ligne rendent un tel projet encore plus nécessaire ».

Le 6 mai dernier, Takis Candilis, directeur général délégué de France Télévisions, a été plus loin, en marge du Festival Séries Mania de Lille, en parlant de « Hulu à la française ». « Les discussions vont bon train et j’espère qu’elles aboutiront », a-t-il déclaré sur RTL. « On peut s’unir pour offrir dans une même plateforme tous les replays de nos chaînes respectives et, dans un deuxième temps, une partie payante, de SVOD ». Mais alors qu’il souhaitait aboutir avant l’été, France Télévisions est soudainement plus discret (il n’a pas souhaité s’exprimer). En off, on évoque deux discussions parallèles : avec Orange d’une part autour de la SVOD et avec les acteurs privés de l’audiovisuel autour du « Hulu à la française ».

Canal latéral

À M6, on précise qu’aucun calendrier de réunions n’est fixé. Parler de « discussions » est donc un peu abusif. Ce qui n’empêche pas Thomas Follin, directeur général adjoint de M6 Web, de croire au projet : « Il s’agit de poser une première brique en rapprochant ce qu’on sait faire, à travers 6play, MyTF1 et France TV, cela prend un sens pour le consommateur et permet de créer un carrefour d’audience ». Pas question pour lui, toutefois, d’arriver en frontal face à Netflix – aux 8 milliards de dollars de budget - en proposant des séries et des films à l’abonnement : « Cela coûte extrêmement cher, même pour un acteur européen. On va avoir du mal en entrant par la SVOD. On voit plutôt un séquencement à la Hulu avec une plateforme autour du replay et ensuite de la SVOD et des contenus enrichis. »

L’avantage de cette offre a minima centrée sur le live et le replay, c’est d’abord qu’elle crée un guichet unique pour les principales chaînes. Cette facilité d’utilisation est à même de favoriser la consommation. « Cela permet de créer davantage d’inventaires, donc davantage de recettes, ajoute Régis Ravanas, de TF1. Sur les annonceurs OTT, il y a plutôt pénurie d’offres ». Si l’idée d’un projet commun fait l’unanimité, la détermination de l’équilibre des forces est plus problématique, TF1 revendiquant, compte tenu de sa puissance, une place centrale dans l’actionnariat et le partage de revenus. Reste aussi à savoir si cela induit la suppression à terme des portails par groupe. Non, selon le dirigeant de TF1, pour qui l’addition des portes d’entrées multiplie les possibilités d’inventaire : « On a bien Zadig & Voltaire et les Galeries Lafayette ». De son côté Thomas Follin défend « la maîtrise par chacun de son inventaire et la commercialisation par groupe ».

Un grand projet politique

Les perspectives européennes plaident dans le sens d’un Hulu à la française. « Les groupes n’ont jamais trouvé un moment suffisamment paisible pour aboutir, observe Philippe Bailly, président de NPA Conseil, mais les freins sont en train d'être levés du côté des autorités de la concurrence en Allemagne ou au Royaume Uni ». Après avoir bloqué les projets des acteurs locaux RTL-Prosieben et BBC-Channel 4, les régulateurs semblent prendre conscience qu’ils ont créé un boulevard pour Netflix ou Amazon.

De son côté, France Télévisions se lance dans la coproduction avec la Rai et la ZDF et sans doute d’autres acteurs publics en Europe. En ligne de mire, des séries comme Leonardo ou Mirage. Mais Pascal Rogard, directeur général de la SACD, estime qu’il faut aller plus loin en créant un « grand projet politique » d’union des créations des services publics européens avec le soutien de gouvernants et de Bruxelles. Des opérateurs télécoms comme Orange pourraient assurer l'ergonomie de l'interface. « Ce serait plus puissant que Netflix, dont la base de public est très large, et les privés pourraient s’y associer. »

Le plan anti-Netflix des médias britanniques

La BBC, Channel 4 et ITV réfléchissent à un nouveau service pour contrarier la montée en puissance de Netflix et d’Amazon Prime. Les options à l’étude vont de la mise en commun des applis de chaque groupe à la création d’une société commune. NBC Universal pourrait également être partie prenante. L’idée est de s’inspirer de la plateforme Hulu, créée par Walt Disney, Comcast, 21st Century Fox et Time Warner.

Netflix, arrivé en Europe via le Royaume-Uni début 2012, est désormais plus regardé par les 16-24 ans que la BBC, toutes chaînes confondues, y compris en comptant l’appli BBC iPlayer. Il y a donc urgence pour les chaînes traditionnelles. Malgré un catalogue de films limité, Netflix a vu sa base d’abonnés augmenter de 25 % sur un an au Royaume-Uni, ce qui permet au groupe de demeurer leader du marché avec 8,2 millions d’abonnés, selon des chiffres de l’organisme de mesure des audiences TV, Barb.

Amazon Prime a, de son côté, enregistré une hausse de 41 % des abonnés à son service Prime Video, offert en complément de l’abonnement à Amazon Prime (79 livres sterling par an), qui permet notamment d’être livré très rapidement. La base d’abonnés atteint 4,3 millions.

Now TV, qui fait partie du groupe Sky, a aussi enregistré une croissance de 40 % de ses abonnés (1,5 million). Cette ouverture de la BBC vers des groupes privés puissants, mais moins exigeants qualitativement, est notamment liée au fait qu’elle ne fait pas partie de la nouvelle alliance européenne entre les groupes publics (France Télévisions, Rai et ZDF), signée au début du mois, et qui vise à développer des séries capables de concurrencer les géants du net.





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