Télévision
Forte de son partenariat avec NBC News, la chaîne d’information se met en ordre de bataille en vue des élections européennes en mai prochain. Reportage à Lyon, au cœur de sa newsroom, où se construit depuis près d’un an le nouvel Euronews.

Ce matin de janvier, sur le plateau de Good Morning Europe, situé au cœur de la newsroom d'Euronews à Lyon, Belle Donati échange sur le Brexit avec Sam Coates, rédacteur en chef adjoint du service politique du Times. Ce jour-là, la présentatrice vedette de la matinale d'Euronews World, la version anglophone de la chaîne d’information paneuropéenne, parle aussi des Gilets jaunes, de l’ouverture du procès du cardinal Barbarin ou encore de la neige qui s’abat sur Athènes. « Dans Good Morning Europe, nous expliquons par exemple ce que font les députés européens, nous abordons les sujets de politique intérieure qui ont un intérêt européen ou international… L'idée n'est pas d'encourager les gens à voter lors des prochaines élections européennes mais de leur donner les clés leur permettant de décider s'ils veulent voter ou non, et pour qui », explique-t-elle, quelques dizaines de minutes après avoir quitté l'antenne.

Cette journaliste franco-britannique de 33 ans, ancienne présentatrice de France 24, a été la première à incarner à l'antenne le nouvel Euronews, dès mai 2018. Renflouée par l'homme d'affaires égyptien Naguib Sawiris en septembre 2015 et par NBC News, entré au capital à hauteur de 25 % en juin 2017, la chaîne historiquement financée par une vingtaine de télé publiques européennes (15 % du capital aujourd'hui) s'est, depuis, éloignée du format tout-image sur lequel elle s’était construite depuis son lancement en 1993. « Ce format était dépassé et notre logique de contenu unique traduit dans toutes les langues faisait de moins en moins de sens avec notre ambition glocale [mi-globale, mi-locale]. Nous avons voulu casser tout ça », se remémore son patron, Michael Peters. Son plan stratégique, Euronews Next, prévoyait notamment de séparer Euronews en 12 éditions spécifiques, neuf en télévision (anglais, français, allemand, espagnol, italien, portugais, grec, hongrois et russe) et trois uniquement sur le numérique (arabe, persan et turc). C'est chose faite depuis avril 2017.

17 heures d'émissions et de journaux par jour

Avec l'arrivée de NBC News, la version anglophone d'Euronews a quant à elle pris des airs de grande chaîne d'information internationale depuis près d’un an, avec 17 heures d’émissions et de journaux présentés par jour, notamment Raw Politics, diffusée depuis Bruxelles et, une semaine par mois, depuis le Parlement européen de Strasbourg. La chaîne s'appuie également sur le réseau de correspondants de NBC News aux États-Unis et en Asie, en plus de ses propres correspondants répartis dans toute l’Europe. Outre le lancement de la nouvelle version d'Euronews World, qui sert de tête de pont à la nouvelle stratégie de la chaîne, des journaux incarnés (mais enregistrés) sont diffusés le soir sur les versions francophone, allemande, italienne, espagnole et portugaise. « Nous voulons étendre un peu plus la durée des plages présentées, développer les formats enregistrés comme des revues de presse ou des magazines, mais pour des raisons économiques, l’incarnation ne peut être que limitée en dehors d’Euronews World, car nous ne pouvons pas concurrencer les chaînes d’information nationales », tempère Michael Peters.

Cellule de déminage

Dans la newsroom de 650 m2, au premier étage du bâtiment en forme de cube vert fluo que la chaîne et ses 600 journalistes ont investi en 2015, dans le quartier nouvellement rénové de la Confluence à Lyon, Emmanuelle Saliba prépare sa prochaine intervention. Responsable des réseaux sociaux, elle a participé à la création du Cube, une cellule de bientôt quatre journalistes chargés de déminer à l’antenne les fausses informations qui circulent sur les réseaux sociaux. Parmi les séquences qui ont eu le plus d'écho, celle diffusée en octobre 2018, dans l'émission Raw Politics, sur l'utilisation hors contexte par Viktor Orban, le Premier ministre hongrois, de propos sur l'immigration tenus par Guy Verhofstadt, le chef de file des libéraux et centristes au Parlement européen. « Nous ne faisons pas seulement du fact-checking, nous expliquons la manipulation de l'information. Pour les élections européennes, nous allons multiplier ce type de séquences », avance la jeune journaliste.

Comprendre et faire comprendre

 

« Nous ne sommes pas là pour défendre l’Europe. Notre travail consiste à la décrypter, expliquer les difficultés auxquelles elle fait face », résume Françoise Champey, directrice de la rédaction depuis mai 2018, et ancienne directrice de France 24 en anglais. Pour preuve, avance-t-elle, le nombre d'eurosceptiques voire d'anti-Européens qui ont été invités ces derniers mois sur les antennes d’Euronews, du Britannique Nigel Farage aux députés européens membres du mouvement 5 étoiles en Italie, et peut-être bientôt Marine Le Pen. En vue des élections européennes, qui se dérouleront du 23 au 26 mai prochain, la chaîne vient de lancer l’émission Raw Politics, Your Call, dans laquelle les citoyens ordinaires de l'Union européenne sont invités à donner leur point de vue sur les débats du moment. D'autres nouveautés suivront. « L'enjeu de ces élections pour nous est à la fois de comprendre et de faire comprendre. Pour nous, médias, c'est important de comprendre cette vague populiste, nationaliste, de repli sur soi anti-européen, pour ne pas reproduire l'erreur que les médias ont fait sur Donald Trump, en sous-estimant la vague d’opinion qui a conduit à son élection », s’inquiète Michael Peters.

Reste à savoir si cette nouvelle stratégie portera ses fruits. Le patron d'Euronews, qui ne communique pas sur les pertes de l’entreprise, vise un retour à l'équilibre en 2021. Pour l'heure, la chaîne, qui a lancé une déclinaison africaine en janvier 2016, Africanews, revendique avec Euronews une audience de 134 millions de téléspectateurs, des recettes publicitaires en hausse de plus de 30 % entre 2017 et 2018, pour un budget total de l'ordre de 90 millions d'euros. « Euronews est vraiment armée, en termes de formats proposés à l’antenne, pour donner du sens à ces élections européennes qui vont être ultra-importantes », s’emporte Michael Peters. Comme l’Union européenne, Euronews est aujourd’hui à un tournant.

Chiffres clés

838. Nombre de personnes travaillent pour Euronews

160. Nombre de pays couverts

400 millions. Foyers qui reçoivent la chaîne

15 millions. Visiteurs uniques par mois sur le site

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