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Après 73 années dans le giron hexagonal, Elle tombe dans l'escarcelle du tchèque Daniel Kretinsky. Mais Lagardère garde la licence mondiale. Explications.

Il en existe 45 éditions dans le monde mais c'est en France qu'est né le magazine Elle, en 1945. Aujourd'hui, le titre tourne une page de son histoire. La marque Elle reste la propriété du groupe Lagardère News mais la licence de l'édition française appartient au milliardaire Daniel Kretinsky, actionnaire de Marianne, Télé 7 jours, Version Femina, Ici Paris et du Monde.

 

Elle déployée

Seul magazine féminin à afficher une diffusion positive en 2018 (0,8 % à 332 522 ex.), Elle demeure un des fleurons de la presse magazine. « Les CSP+ urbaines continuent de nous lire. Notre portefeuille d’abonnés de 150 000 lectrices résiste bien et s’y ajoutent 30 000 abonnées digitales » analyse Claire Léost (lire interview), la directrice opérationnelle des titres de Lagardère vendus à Daniel Kretinsky. « Mais pour chercher de la croissance, il faut que l'on se transforme. C'est plus facile quand tout va bien ». La diversification s'accélère en 2019. « Nous organisons “Les assises de l'égalité by Elle” à la Maison du barreau le 11 mars, explique Anne-Cécile Sarfati, rédactrice en chef et directrice de la diversification éditoriale. Et le 16 mars, à la Cité des Sciences, le “Elle power girl”, demi-journée dédiée aux mères et à leurs filles pour combattre l'autocensure avec la spationaute Claudie Haigneré, la journaliste Apolline de Malherbe, des femmes pilotes de rafales ou pompiers ». La marque décline ses événements « Elle active » depuis six ans dans toute la France (Paris, Montpellier, Toulouse, Lyon, Lille). Des hors séries et podcasts s'y adjoignent comme pour l'événement « Elle Zen ». Début juillet, « Elle Active Sport » va être lancé tandis qu'un événement autour de la formation est en réflexion. Enfin, forts de ses succès (50 000 ex. pour le numéro consacré à la Chirurgie esthétique), dix hors séries sont prévus dans un format plus grand, avec deux nouveautés : un spécial Style et un numéro de conseils du Dr Aga sur l'éducation des enfants. Plus ses événements marcheront, mieux Lagardère s'en portera.



Droit de regard de Lagardère

Car Lagardère News garde la propriété de la marque Elle sur laquelle travaillent 90 salariés dont 50 à Paris. Elle se décline en 78 licences média dans le monde (45 Elle, 25 Elle décoration, 5 Elle à table, 2 Elle men et un Elle girl), 55 plateformes digitales (sites et réseaux sociaux). Lagardère impose la charte et possède un droit de regard sur le casting du rédacteur en chef et du directeur artistique. Mais le groupe propose aussi ses services et notamment des productions de sujets propres et la syndication de contenus au sein d'une base de données. Côté régie, « Les annonceurs ont la possiblité de faire des achats en local dans les éditions de Elle ou en central depuis Paris, Londres, New York ou l'un de nos 29 bureaux dans la monde », détaille François Coruzzi, CEO de Elle international. La commission empochée par Lagardère est de 15 à 30 % en global (print + digital) et de 15 à 24 % pour le seul print, sachant qu'une partie revient aux agences locales. Le business de licences non média et de merchandising s'étend dans 80 pays et 30 000 points de vente (prêt-à-porter, accessoires). Quant aux Elle cafés, trois ont ouvert à Shanghai, Tokyo et Bangkok. In fine, Lagardère touche des royalties de 4 à 8 % sur les revenus générés. De quoi financer une rencontre annuelle avec tous les responsables des Elle. Le prochain rendez-vous aura lieu en mai à Versailles. Royal !

« Émerger avec des infos exclusives »

Claire Léost, directrice générale de CMI France dévoile sa stratégie pour le magazine Elle.

Qu’est-ce que ce changement d’actionnaire change pour Elle ?

Claire Léost. Daniel Kretinsky adore la France, sa culture, la mode et la marque Elle. Il veut la faire rayonner sur le print, les réseaux sociaux, dans l’événementiel et en développant toutes les formes de diversification de service et de data possibles.

 

Quelles évolutions envisagez-vous ?

Nous voulons être reconnus en tant que magazine d’information générale comme les news magazines, qui bouclent deux jours avant. Ce n’est pas le cas actuellement. Cela nous oblige à boucler une semaine avant notre date de parution et nous prive d’une réactivité à chaud. Comme si l’info pour les femmes n’était pas de l’info mais du divertissement. Il n’est pas normal que notre journal qui porte les combats des femmes depuis 1945 soit ainsi considéré.

 

 

Côté éditorial, que voulez-vous impulser ?

Justement plus d’info « chaude ». L’interview exclusive de Brigitte Macron en 2017 est notre 2e vente historique avec 400 000 exemplaires, le record est détenu par une autre interview exclusive, celle de Cécilia Attias, ex-Sarkozy, en 2007. Quand nous proposons une information forte, les lecteurs vont en kiosques. Nous voulons émerger avec des infos exclusives.

 

 

Et côté pub ?

Nous sommes toujours leaders et les annonceurs luxe, mode et beauté viennent chez nous. Le print représente encore 80 % de notre chiffre d’affaires et le digital, 20 %, mais il est en très forte croissance. Nous pensons avoir des gisements de monétisation à aller chercher grâce à la data, au CRM et à notre expertise.

 

 

Votre nouvel actionnaire va-t-il investir ?

Il est très pragmatique. Si on lui apporte un projet qui renforce la marque Elle, en termes de data, de vidéo, de réseaux sociaux, il nous suivra.

 

 

Une clause de cession est ouverte pour un an. Les départs seront-ils remplacés ?

Notre rédaction compte 80 personnes. J’espère qu’il y aura un minimum de départs. Ensuite, nous étudierons la situation au cas par cas.

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