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Claire Léost, directrice générale de CMI France, et Valérie Salomon, la directrice de la régie CMI Media, qui regroupe les magazines de Lagardère Active vendus à Daniel Kretinsky, dévoilent en exclusivité les contours de leur stratégie. Si la culture d'entreprise sera déterminée de façon participative, la cause féminine en sera un sujet fédérateur.

Les magazines de Lagardère Active (Elle, Elle Déco, Art et Décoration, Version Femina, Télé 7 Jours, Public, France Dimanche, Ici Paris) ont été vendus le 14 février à CMI France, qui possède aussi Marianne. Qu’est-ce que cela change?

Claire Léost. Nous changeons d’actionnaire. Daniel Kretinsky est un homme jeune, qui adore la France, la mode et le luxe. Il veut faire rayonner nos marques sur le print, le digital, les réseaux sociaux, l’événementiel et les services. C'est l'occasion d'un nouveau souffle et d'une transformation. 

 

Compte-t-il investir et vous donner des moyens supplémentaires ?

C.L. À nous de le convaincre sur des projets qui renforcent nos marques ou nos actifs (print, data) ou sur des projets disruptifs. Il ne veut pas toucher à la qualité de nos journaux et nous a incités à augmenter le grammage de Elle (passé de 60 à 70 g en février 2019) quitte à trouver des économies ailleurs. 

 

Passer d’un Lagardère au fleuron de l’énergie tchèque, qu’est-ce que ça change ?

C.L. Daniel Kretinsky est leader du marché de la presse magazine en République tchèque. En France, il n’a ni équipe, ni a priori. Il vaut mieux avoir un actionnaire nouveau qui a envie d’investir plutôt qu’un actionnaire historique pour qui on n’est pas un actif stratégique. Mais les marques sont plus fortes que les actionnaires. Elle a été créée en 1945,Télé 7 Jours, en 1960. 

 

Avez-vous des échanges directs avec lui ?

C.L. Je reporte à son représentant en France, Denis Olivennes [ex-président de Lagardère Active pendant sept ans], qui préside le conseil de surveillance. Mais nous avons des échanges avec Daniel Kretinsky et avec ses équipes à Prague, comme le patron du digital ou celui de la finance notamment.

 

Le périmètre de CMI France est plus restreint que celui de Lagardère Active. Qu’est-ce que cela change ?

C.L. Nous sommes un groupe de presse plus ramassé avec 700 salariés en CDI et 250 millions d'euros de chiffre d’affaires. C’est une chance d’être plus focalisé, plus agile et d’avancer avec plus de pragmatisme sur les projets.

 

 

Garderez-vous les mêmes effectifs ?



C.L. Une clause de cession est ouverte jusqu’à la fin 2019. Une trentaine de journalistes souhaitent en profiter et ces clauses sont très coûteuses. Si l’on peut ne pas remplacer les partants, on le fera. Sinon, nous en profiterons pour faire entrer du sang neuf. On étudiera chaque dossier au cas par cas. 

 

 

Nouvel actionnaire, nouvelle identité et donc nouvelle culture d’entreprise. Comment l'abordez-vous ?

C.L. Nous nous sommes réunis en comité de direction pour y réfléchir. Le sujet fédérateur de notre entreprise, c’est notre engagement auprès des femmes. Il nous passionne à titre personnel et à titre professionnel depuis la création de Elle ou le lancement de Version Femina, souvent seul magazine du foyer avec un rôle d’éducation sur la santé, la sexualité, la psychologie. Notre entreprise a une longueur d’avance concrète sur ce sujet en termes de parité au sein du comité de direction ou de nos principales directions. Nous avons une expertise en termes d'événements avec la marque Elle et de nombreuses entreprises nous demandent de les accompagner via des formations en interne.

Valérie Salomon. Notre culture d’entreprise va aussi se fonder sur un mode plus collaboratif. Le comex a décidé de lancer des ateliers participatifs avec les salariés volontaires pour construire ce projet sur les trois ans à venir. Une restitution sera proposée début juillet. Le cabinet Bluenove qui oeuvre pour EDF, SNCF ou les ateliers participatifs d'Emmanuel Macron, nous accompagne.

C.L. Nous voulons en finir avec la culture d’entreprise descendante qui démotive les salariés. Nous voulons faire émerger des idées de la base.

 

Quel changement de stratégie envisagez-vous ?

V.S. Nous voulons mettre la diversification plus au centre de nos activités car c'est un levier de croissance. Elle ne représente que 7 à 8 % de notre chiffre d'affaires.

 

Quelle est votre feuille de route ?

C.L. Faire rayonner nos marques, à commencer par Elle. Sur le print, nous développons des hors-série. Nous venons de signer un partenariat avec Tagwalk, start-up spécialisée dans les tendances via les défilés. En mettant ensemble nos savoir-faire data, nous proposons aux marques de mode de connaître en temps réel les tendances. Nous travaillons avec nos journalistes Alix Girod de l'Ain, Marion Ruggieri et Olivia de Lamberterie sur des podcasts. Nous allons proposer notre expertise aux influenceuses pour développer leurs activités print ou digitale. Enfin, on va multiplier nos événements Elle Active, Elle Zen et développer ceux autour du leadership au féminin, du harcèlement, de la beauté, du bien-être, de la santé et de la cuisine. Pour la Coupe du monde de foot féminine, nous créons un Elle Active Sport pour la Française des jeux.

 

Quels développements pour Public, France Dimanche, Ici Paris, Télé 7 Jours ?

C.L. Public est notre marque la plus jeune et la plus digitalisée. Elle nous sert de laboratoire. Nous produisons le flux people de SFR. Quant à France Dimanche et Ici Paris, c’est une cible âgée, mais très fidèle aux points de vente, qui complète notre offre. Quant à Télé 7 Jours, il résiste mieux qu'attendu et notre appli est puissante.

 

Quels sont vos projets pour la régie ?

V.S. Déjà, faire connaître CMI Media qui inclut Marianne depuis le 1er mars. Nous allons développer le brand content et le contenu, les événements physiques et les services. Notre organisation va évoluer pour proposer du sur-mesure à nos clients. Pour Air France Media, dont nous assurons la régie depuis quinze ans, nous lançons la commercialisation de l’appli Air France avec un format natif. Et nous développons des formats hors média pour les films dans les avions. Côté CMI régions, nos neuf bureaux assurent la régie du Point, du Monde et de Lagardère News (Paris Match, Le Journal du Dimanche et Europe 1). Nous sommes ouverts à d'autres éditeurs.

 

Quelles synergies sont prévues avec Marianne et Le Monde ?

C.L. Avec Le Monde, aucune, puisque Daniel Kretinsky y est actionnaire minoritaire. Avec Marianne, des synergies sur tous les supports presse comme l’achat de papier. Nous leur ferons bénéficier de force de vente de commerciaux sur le terrain, de notre expertise sur les abonnements et sur le digital avec des développeurs et des intégrateurs.

 

Quels sont vos objectifs financiers ?

C.L. Nous sommes un groupe rentable et nous devons maintenir un résultat opérationnel de 7 à 8 % du chiffre d’affaires. Le maintenir, c’est garder notre liberté et pouvoir proposer des projets.

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