Numérique
L’expérience utilisateur, les acteurs du numérique n’ont que ce mot à la bouche. Mais en respectent-ils les bonnes pratiques? Stratégies fait le tour de la question avec Xavier Figuerola, cofondateur de Vraiment Vraiment, agence pionnière du design des politiques publiques en France.

Si une définition unique et figée de l’UX n’existe pas vraiment, en tout cas, l’acronyme signifie « user experience » (expérience utilisateur en français). Affirmer que la notion est très liée à l’organisation des informations sur « écrans » serait restrictif. L’utilisateur est confronté à des services en permanence et sous des formes multiples, bien au-delà des moments de connexion sur les écrans : informations papiers, affichage, assistants vocaux, etc.
« L’expérience utilisateur consiste à prendre en considération ce parcours d’usage global, indique Xavier Figuerola, cofondateur de Vraiment Vraiment, agence de design orientée notamment vers les acteurs publics. Aujourd’hui, l’UX est très liée à la conception d’objets numériques, alors qu’en fait sa définition plus élargie et originelle serait plutôt “la compréhension des besoins des utilisateurs dans la prise en main d’un service”. »

Questions cruciales

La notion d’UX n’est pas récente. Historiquement, la discipline s’est développée dès les prémisses de l’industrie de l’informatique et du logiciel, dans les années 80. L’UX était alors plutôt tournée vers le monde professionnel. Elle concerne la conception d’objets très complexes, notamment les interfaces homme-machine. Plus les objets devenaient complexes, plus le nombre d’informations à gérer augmentait. Dans ce cadre, comment rendre les messages accessibles à l’utilisateur ? Comment celui-ci se repère-t-il rapidement dans un vaste corpus d’informations ? Et comment créer le chemin le plus simple et le plus signifiant possible vers l’information utile ? Des questions cruciales lorsqu’elles se trouvent liées à des enjeux médicaux ou à l’aviation, par exemple.

Puis, la notion a connu un renouveau à l’avènement d’internet dans les années 90, et du smartphone dans les années 2000. Tout un chacun devenant utilisateur de logiciels, notamment de logiciels en ligne. « À mesure que les terminaux se sont multipliés, chaque individu s’est en quelque sorte mué en pilote d’un ensemble de fonctionnalités plus ou moins complexes sur des ordinateurs, des téléphones et autres machines, observe Xavier Figuerola. Actuellement, la gestion de l’information revêt des formes inédites, à l’instar du langage oral qui devient une interface de dialogue avec la machine au même titre que l’écran. » Voici les cinq principes fondamentaux de l’UX.


1/ Aller sur le terrain

« Cela peut paraître évident mais il est bon de le rappeler : l’UX consiste à comprendre l’utilisateur », martèle le spécialiste. Il s’agit donc de dépasser la lecture théorique d’un service pour aller chercher une lecture contextuelle. Quels sont les besoins de l'usager, ses repères, ses références… Se rendre sur le terrain, à la rencontre des utilisateurs, représente l’occasion incontournable de bien comprendre le sens qu'ils donnent aux choses. C’est la première étape de tout projet. Concevoir un objet ou une interface sans savoir qu’on est en train de s’adresser par exemple à un postier, ne pas connaître le temps qu’il a pour organiser ses plis, ses conditions de travail, sa mobilité… C’est louper le cœur du sujet : quelle que soit la qualité de l’écran, il sera utilisé dans un contexte toujours contraint, peut-être en transport, dans un temps très court, etc.


2/ Ne pas réduire l’information à une seule cible

« En UX, la meilleure manière de se planter est de n’envisager qu’un type d’utilisateur», prévient Xavier Figuerola. Un des premiers réflexes à adopter est précisément d’élargir les catégories pour s’adresser au plus grand nombre possible. Car ce qui constitue une cible commerciale en marketing n’a peut-être pas de légitimité en termes d’usage. La conception d’un produit doit au contraire viser l'universalité afin d’être le plus accessible possible. Il faut penser en permanence à la diversité des profils susceptibles d’utiliser l’objet. « En tant que designer, notre mission consiste à détricoter la lecture traditionnelle par cible simplifiée (et simplifiantes) pour adresser une complexité. À trop vouloir orienter, un produit on fragilise ses usages », ajoute le designer. 


3/ Prototyper au maximum

Plus un produit sera lancé rapidement, plus la latitude pour ajuster ses fonctions sera ample. C’est le fameux droit à l’erreur. Le but du prototypage consiste à accélérer l'échec pour accélérer la bonne conception. Ces tests, ces expérimentations, doivent être réalisés sur le terrain, auprès de l’utilisateur. Toute hypothèse non testée n’a aucune valeur. « Les retours utilisateurs sont très importants. Mais attention, les usagers sont experts de leurs usages, ils ne sont pas experts des solutions. On ne peut pas réduire la conception d’un produit à la liste des griefs utilisateurs. En revanche, on peut s’appuyer sur eux pour l’ajuster », conseille Xavier Figuerola.


4/ Ne pas sur-informer

« Si la transparence est de mise, ce n’est pas parce que l’on informe beaucoup que l’on informe mieux », assure le designer. Le risque est de créer du bruit autour de l’utilisateur. Aujourd’hui, nous évoluons dans un environnement en surcharge informationnelle : bien que les usages mobiles fabriquent de nouvelles opportunités, ils fabriquent aussi de nouvelles complexités. Aussi, il faut réfléchir à une forme « d’écologie » de l’information : chaque message doit être questionné sur son utilité. Le chemin, l’arborescence, doit être le plus fluide possible. Et l’information distribuée au bon moment pour répondre au bon besoin.


5/ Considérer la forme

En UX, le choix des mots, des signes, des pictogrammes ou encore des couleurs ne représente pas un enjeu uniquement esthétique, mais il est d’une importance capitale. La forme est aussi importante que le fond. Mieux : c’est elle qui va rendre le fond (le service) accessible. Mais attention toutefois, une bonne forme ne rattrapera jamais un fond faible. Au contraire, elle doit s’adapter au fond et le mettre en valeur. Cela passe par comprendre les champs de références des usagers pour arriver à créer des repères universellement partagés. Du reste, ce qui constitue une forme intelligible pour certains ne l’est pas toujours pour d’autres… Il faut donc peser en permanence ces choix. 

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