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Francis Balle est professeur de science politique à l’université Panthéon-Assas, ancien membre du CSA et auteur de la 18e édition de Médias & Sociétés (LGDJ).

VivaTech, devenu en trois éditions un rendez-vous incontournable de la tech mondiale.

Une coïncidence me frappe : la concomitance de VivaTech avec le Festival de Cannes. Le plus grand festival de cinéma au monde montre que la France n’est pas un pays comme les autres, un pays qui donne un véritable statut aux créateurs. De la même manière que Cannes est la vitrine du cinéma mondial, la France entend, avec VivaTech, devenir la vitrine des start-up mondiales. Notre pays convoite la deuxième place des nations de la tech, après les États-Unis et avant Israël et la Chine… Avec près de 9000 investisseurs, 2000 journalistes accrédités, 125 pays concernés, la présence des plus grands (Ericsson, Google, Huawei…) ainsi que celle de personnalités comme la commissaire européenne à la Concurrence Margrethe Vestager, la manifestation n’est pas de mince importance !



Facebook qui ouvre une war room pour lutter contre les fake news à l’occasion des élections européennes.



Facebook  essaie désespérément de se racheter une vertu. La war room a été inaugurée en septembre 2018, au siège du groupe à Menlo Park, avant les élections de mi-mandat, alors que Facebook était attaqué à l’époque de Cambridge Analytica et accusé d’être le faire-valoir de Trump. Il est compréhensible qu’une troisième war room voie le jour à la veille des élections du 26 mai prochain… Je pense néanmoins que l’importance de Facebook a été surestimée dans l’élection de Trump, tout comme on avait surestimé l’importance de la télévision dans l’élection de Kennedy en 1960… Je reste par ailleurs sceptique vis-à-vis des instances d’auto-régulation. La loi et les tribunaux sont là pour sanctionner les dérives et fixer les limites. La force doit rester à la loi, plutôt qu’à l’autorégulation, à mes yeux, suspecte, tout comme les organismes de déontologie. Ce sont de mauvaises bonnes idées, ou de mauvaises réponses à de bonnes questions.

 

Uber qui entre en Bourse avec une valorisation estimée à plus de 80 milliards de dollars.

Uber se veut, depuis sa création en 2009, l’Amazon du transport. Mais Amazon a affiché des profits de 3 milliards de dollars pour la première fois en 2018… Quant à Uber, il a perdu 4 milliards de dollars en 2017, 1,8 milliard de dollars en 2018… et sa valorisation à 80 milliards de dollars est loin des 120 milliards de dollars estimés et attendus. Uber reste criblé d’incertitudes : accusé de corruption de policiers en Asie, visé par des plaintes pour harcèlement, avec des chauffeurs qui demandent à être salariés, des législateurs vigilants – qui l’ont fait interdire à Barcelone… Tout en pensant avoir trouvé une nouvelle poule aux œufs d’or avec Uber Eat, et entend se développer grâce aux voitures autonomes qui ne sont pas encore arrivées sur le marché… 



Monsanto et son fichage des journalistes.

Quelle guerre médiatique ! Cette affaire met en lumière deux aspects ignorés du grand public. Toutes les agences de communication ont dans leurs tiroirs les noms de personnes à appeler, qu’elles soient alliées ou adversaire de leur client… Par ailleurs, le cas du glyphosate illustre la difficulté par les médias d’information à restituer les débats savants…



Les grands enseignements de la 18e édition de Médias et Sociétés ?

Tout d’abord, plusieurs confirmations. Netflix est bien devenu le nouvel Hollywood. La télévision n’est plus une lucarne ouverte sur le monde, mais un miroir tendu sur notre « petit tas de secrets », pour reprendre Malraux ; elle se vautre de plus en plus dans un exercice exhibitionniste. Big Brother, qui était défini comme la surveillance de tout par quelques-uns est devenu la surveillance de chacun par n’importe qui, et ce, à l’échelle mondiale… Pour ce qui est des interrogations, une première, douloureuse : les journaux imprimés ont-il un avenir ? Et le journalisme va-t-il pouvoir survivre au déclin des journaux d’information ? Autre question : faut-il démanteler les Gafa, comme certaines le rêvent, tandis que d’autres le redoutent ? On verrait alors grandir des start-up chinoises qui, aux mains du gouvernement bénéficieraient de privilèges exorbitants… Je m’interroge également sur les lois anti fake news. Je suis tenté de penser qu’il s’agit d’un désaveu vis-à-vis des journalistes. Les journalistes ne sont pas infaillibles, mais il ne faut pas porter à la liberté d’expression. Les seuls censeurs des journalistes, ce sont leurs lecteurs.

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