Dossier Audio
Désormais acquis au digital, les auditeurs de la radio s’ouvrent aux podcasts, et dans une moindre mesure aux assistants vocaux. Les stations FM s’adaptent à cette nouvelle donne, qui change aussi les usages publicitaires.

Chaque jour, la radio représente 65 % du volume d’écoute consacré aux contenus audio en moyenne. C’est l’un des enseignements de l’étude Global Audio de Médiamétrie, dont les tout premiers résultats depuis sa création ont été dévoilés en mars 2019. « La radio reste le premier média audio, et de loin », se réjouit Serge Schick, directeur de la stratégie des publics et du développement des marques de Radio France. À côté, la musique représente 34 % de ce volume d’écoute, loin devant les podcasts natifs (0,7 %) et les livres audio (0,5 %). Par ailleurs, 37,5 % des internautes français se tournent chaque mois vers le streaming musical, quand les podcasts natifs et les livres audio sont plus confidentiels, à respectivement 6,6 % et 5,2 % des internautes. 

Dans ce panorama global, les podcasts restent donc une niche, malgré un taux de notoriété de près de 40 % chez les internautes de 15 ans et plus. Mais le format connaît un certain engouement. Quatre millions de personnes écoutent des podcasts radio chaque mois, selon une autre étude Médiamétrie, réalisée en février 2018. Leurs auditeurs sont plutôt des hommes (à 54 %), trentenaires et plus (38 % de 35 à 49 ans), CSP + (49 %). Ils apprécient, en particulier, la liberté de choisir le contenu et le moment de l’écoute.

À la recherche de nouveaux publics

Autre support en vogue, les assistants vocaux, bien que le boom annoncé, en termes d’équipement, n’ait pas (encore) eu lieu. Selon une étude Médiamétrie réalisée en novembre 2018, la France compte plus d’1,7 million d’utilisateurs d’enceintes à commande vocale. L’utilisateur-type est CSP +, âgé de 39 ans en moyenne, vivant dans un foyer d’au moins trois personnes. Ces équipements sont plébiscités pour écouter de la musique, consulter la météo, écouter la radio en direct et effectuer une recherche sur internet. Des nouveaux usages que les acteurs historiques de la radio observent de près. À commencer par Radio France, qui voit le podcast comme un moyen d’élargir son public. « Lorsque l’on regarde la structure des audiences des différentes chaînes, par exemple France Culture, une part importante de l’audience est réalisée grâce au numérique et notamment au podcast », relève Serge Schick.

Les programmes de France Culture, « encore passionnants quelques jours après leur diffusion hertzienne », apparaissent particulièrement adaptés au format. En janvier 2019, 24,2 millions de podcasts ont été téléchargés, un chiffre présenté comme un record mais qui n’empêche pas les programmes des autres stations de Radio France d’apparaître dans le top des téléchargements. En plus des podcasts de ses émissions, le groupe développe aussi des podcasts natifs, comme Oli, une série d’histoires pour enfants portée par France Inter, dont la deuxième saison est en préparation.

En parallèle, Radio France a investi le terrain des enceintes connectées. Là, il permet d’écouter la radio en direct, des podcasts mais aussi d’accéder à des points sur l’actualité, une façon là encore d’aller chercher de nouveaux publics. « Nous travaillons beaucoup dans le domaine de l’information pour que Franceinfo soit l’offre la plus importante », confie Serge Schick. En mars 2019, Radio France enregistrait 3 millions d’écoutes sur les assistants vocaux, dont 1,3 million pour les flashs briefings de Franceinfo. Un potentiel a aussi été identifié pour France Bleu au niveau local.

Du foot et du live

De son côté, au-delà du replay, le groupe NRJ mise sur les podcasts natifs, que ce soit avec NRJ (Football Stars, What’Up DJ, Instant Live…) ou Nostalgie (Le jour où…). « Depuis le début de l’année, environ 45 millions de podcasts ont été écoutés. Nous en lançons toutes les semaines de manière agile », précise Charles d’Aboville, directeur de la stratégie digitale et des études du groupe NRJ. Parmi les dernières nouveautés, un programme autour de l’information locale lancé en juin 2019, « encore en déploiement ». Côté assistants vocaux, la marque performe aussi. Selon le baromètre Médiamétrie de juin 2019, NRJ est la première radio de France auprès des équipés d’enceintes connectées. « L’enjeu principal est le contenu, peu importe le support. Nous cherchons à développer des applications qui permettent d’accéder aux lives tout en travaillant sur l’innovation et l’interactivité », insiste Charles d’Aboville.

À sa façon, RTL revendique aussi une présence de longue date dans les podcasts, à travers le replay. La station totalise 25 millions de téléchargements par mois, une performance qui s’explique par le succès que rencontrent, en ligne, des émissions comme Les Grosses Têtes ou des personnalités comme Laurent Gerra. Pour aller plus loin, elle a lancé, fin mai, une offre de podcasts natifs baptisée RTL Originals. Celle-ci s’articule autour de thématiques éditoriales familières au public du groupe, comme les faits divers avec Jacques Pradel notamment ou les sciences avec Mac Lesggy. Au total, « cinq ont été lancés et six autres arriveront d’ici à fin septembre », résume Antoine Daccord, directeur radios et information en charge du digital au sein du groupe M6. RTL s’intéresse aussi aux enceintes connectées, en proposant aux auditeurs d’écouter le direct.

Si les radios s’adaptent à cette nouvelle manière de consommer le son, les annonceurs, eux, ne changent pas encore massivement leurs pratiques. Selon l’Observatoire de l’e-pub du SRI pour 2018, l’audio digital (webradios, assistants vocaux et podcasts) ne représente que 0,6 % du display. Mais il est en croissance de 30 % par rapport à 2017. D’après le baromètre de l’audio digital de Kantar Media, plus d’1,2 milliard d’impressions ont été servies en 2018, en hausse de 12 % par rapport à 2017.

L’interactivité intégrée à la publicité

Côté podcast, les opportunités sont pourtant au rendez-vous. Selon une étude Nielsen-Midroll de 2018, ils ont un impact direct sur la notoriété de la marque, générant jusqu’à 4,4 fois plus de brand recall (mémorisation) que le display, ou sur les intentions d’achat, en hausse de 10 % en moyenne. Un format ouvert qui plus est à l’innovation, avec le son binaural (écoute 3D) offrant la possibilité de créer une atmosphère sonore. « Les plateformes digitales offrent des capacités de ciblage. Les auditeurs sont souvent logués. Il est possible de faire du socio-démo en fonction des playlists ou du ciblage émotionnel », ajoute Nabil Bekhti, head of consulting du Havas Programmatic Hub, entité de Havas dédié au programmatique. Reste que l’efficacité publicitaire des podcasts est aujourd’hui difficilement mesurable.

En attendant, les radios n’ont pas manqué de se saisir du sujet. Le podcast constitue par exemple pour NRJ une façon d’augmenter son inventaire, tandis qu’une réflexion en interne a abouti en avril à un podcast réalisé pour la marque de soins de la peau Eucerin, en partenariat avec Dentsu Aegis. De son côté, RTL s’appuie pour ses podcasts sur trois systèmes de monétisation : le pré-roll et le programmatique, le sponsoring et enfin le brand content ou publishing, les deux derniers ayant été développés pour ses podcasts natifs.

Les assistants vocaux ouvrent aussi des portes aux annonceurs. « Sur la publicité, nous sommes aux prémices de ce que l’on pourra faire. C’est une opportunité pour les marques et les médias. Cela remet au centre la créativité sonore des spots publicitaires », s’enthousiasme Béatrice Leroux Barraux, présidente de NRJ Global. Cette « opportunité » repose sur le fait que les enceintes permettent d’intégrer l’interactivité à la publicité. L’idée est de permettre aux utilisateurs de réaliser des actions comme de commander sur un site e-commerce. Un eldorado potentiel d’autant que, selon une étude Médiamétrie réalisée en novembre 2018, les internautes seraient prêts à partager des données personnelles comme leurs goûts, leur géolocalisation voire leurs coordonnées bancaires, pour accéder à des contenus et services personnalisés. « La voix est le nouveau clic », avance Béatrice Leroux Barraux. Tout un programme…

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