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Le groupe, qui va naître de la fusion de CBS et de Viacom, vise à peser sur le marché audiovisuel mondial face à la plateforme vidéo leader en affichant un budget de 12 milliards de dollars en nouveaux programmes. Décryptage.

La course à la taille continue aux Etats-Unis. Après les rachats de Time Warner par AT&T, de Sky par Comcast et 21st Century Fox par Disney, les groupes Viacom et CBS ont annoncé, le 12 août leur fusion. L'opération, qui se fera par échange d'actions, donne naissance à ViacomCBS, un géant américain au chiffre d'affaires de 28 milliards de dollars qui « occupe des positions de leader aux Etats-Unis, en Europe, en Amérique latine et en Asie », selon un communiqué.

Viacom est présent en France à travers ses marques MTV, Nickelodeon, Comedy Central, Paramount, BET et J-One tandis que CBS n'est plus actif sur le marché français depuis la vente en 2013 de ses activités d'affichage, CBS outdoor, rebaptisées Exterion Media. Les deux groupes Viacom et CBS appartenaient à la même société jusqu'à leur scission, en 2006, lorsque la holding contrôlant les deux groupes, National Amusements, a décidé de les séparer.

 

Des chaînes dans 180 pays

La montée en puissance de Netflix, aux 150 millions d'abonnés dans le monde, ainsi que la percée d'Amazon Prime Video ou Apple TV et l'arrivée prochaine de Disney + et Warner Media changent la donne. Il s'agit désormais d'adosser des catalogues de contenus à des capacités de distribution pour peser sur le marché audiovisuel mondial. « Sur la longue route, les tuyaux ne valent rien, a déclaré fin juin à Stratégies Thierry Cammas, président de Viacom France, qui contrôle le contenu maîtrise le modèle, il faut être fort de la production à la distribution ».
La nouvelle société possédera notamment le premier groupe de télévision aux Etats-Unis, par diffusion hertzienne ou câblée, ainsi que les studios de cinéma Paramount et la maison d'édition Simon & Schuster. La fusion réunit aussi plusieurs franchises à succès comme les sagas Star Trek et Mission Impossible. Elle intervient au moment où le paysage audiovisuel américain est en pleine transformation, les acteurs "traditionnels", (télévisions, studios, câblo-opérateurs) devant affronter la montée en puissance des grandes plateformes de streaming vidéo. Le groupe gérera par ailleurs des bouquets importants au Royaume-Uni, en Argentine et en Australie, ainsi que des chaînes câblées dans plus de 180 pays.

 

Une capacité d'investissement face à Netflix

ViacomCBS sera dirigé par Bob Bakish, l'actuel patron de Viacom. Selon lui, la combinaison des actifs et compétences des deux entités permet de créer « l'une des rares entreprises aux contenus et à la portée suffisamment vastes et variés pour façonner l'avenir de notre secteur ». Les deux sociétés mettent notamment en avant le fait que, réunies, elles seront dotées d'une capacité financière encore plus importante pour investir dans de nouveaux contenus et de nouvelles technologies. En plus de leurs catalogues existants, de plus de 140.000 émissions télévisées et 3.600 films, elles ont ainsi dépensé 13 milliards de dollars en nouveaux contenus au cours des douze derniers mois. Un chiffre qui, sur le papier, rend le groupe compétitif par rapport à Netflix, qui prévoyait de dépenser plus de 15 milliards de dollars en 2019 dans des contenus originaux.

Selon Thierry Cammas, Netflix a beau mettre le turbo sur les séries originales  où elle dépense de plus en plus, la plateforme reste dépendante à 80% des contenus tiers et son algorithme est « insincère » car il vise à pousser ses productions originales. En outre, Netflix favorise selon lui « un phénomène de dépendance et d'overdose sur l'hyper-usage », avec une nouvelle saison d'une série tous les quatre mois.

La fusion doit se conclure d'ici la fin de l'année si elle obtient le feu vert des autorités concernées, en particulier celles de la concurrence. Selon ses termes, les actionnaires actuels de CBS posséderont 61% de la nouvelle entité et ceux de Viacom 39%.

 

Shari Redstone à la manoeuvre

La fille du fondateur de National Amusements devenu magnat des médias Summer Redstone, Shari Redstone, sera la présidente du conseil d'administration. Les retrouvailles ne se seront pas faites sans accroc, les deux groupes ayant déjà procédé sans succès à plusieurs tentatives de rapprochement. L'ancien patron de CBS, Leslie Moonves, s'est notamment pendant longtemps fermement opposé à la fusion, souhaitée par Shari Redstone, la bataille se jouant parfois devant les tribunaux. Mais Leslie Moonves ayant été évincé en septembre dernier sur la foi d'accusations d'abus sexuels, le champs était libre depuis quelques mois....

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