Événement
Dans un contexte de remise en cause de l'hégémonie des Gafa, les rencontres de l'Udecam veulent valoriser la « diversité » des médias... et questionner tous les modèles publicitaires.

Il est possible de s’attaquer au sujet épineux sans créer la polémique. C’est ce que veut prouver l’Union des entreprises de conseil et d’achat média (l’Udecam) et tout le milieu des médias et de la publicité, lors des 13e rencontres de l’Udecam, qui – tout le monde l’espère – rempliront la salle Pleyel le 5 septembre. Franck Riester, le ministre de la Culture sera de la partie, en pleine concertation sur son projet de loi sur l'audiovisuel. Le thème des débats de l'Udecam ? Le concept de « biodiversité des médias ». L’association professionnelle souhaite mettre en avant l’importance de la diversité du paysage publicitaire. « La diversité, c’est la vie. En faisant une analogie avec la biodiversité au sein de la nature, nous voulons mettre en avant l’importance de la multiplicité des médias, qu’il faut se battre pour ne pas la mettre en danger. La diversité est un combat », éclaire Raphaël de Andreis, président de l’association. « Si on veut pouvoir défendre les marques, leur trouver des points de contacts originaux, porteurs de sens, plus économiques, aussi, il faut avoir accès à un inventaire très diversifié. Et de notre point de vue, en tant qu’agence média, quand on regarde le marché, c’est un sujet qui ne va pas de soi », continue-t-il.

Surpondération des investissements

La transition vers un monde numérique ne s’est pas faite sans douleur pour l’écosystème médiatique, et l’on a assisté à une surpondération des investissements médias des annonceurs sur les grandes plateformes. En creux, voilà le sujet que veut soulever l’Udecam, pour une prise de conscience de la part de tous. Mais sans pour autant attaquer de front des géants comme Google et Facebook qui concentrent encore 80 % de la croissance du gâteau publicitaire numérique, et qui sont aussi nécessaires à l’écosystème. Diversité oblige. « Nous sommes dans un timing intéressant pour valoriser cette diversité, ajoute Thomas Jamet, co-vice-président de l’Udecam. Il y a eu beaucoup de débats sur la puissance de Google et de Facebook ces derniers mois. En tant qu’agence, notre travail consiste à être le plus efficace possible pour développer la stratégie demandée par les annonceurs. Si certains acteurs sont mieux placés que d’autres pour développer une stratégie, il n’y a aucun problème. En revanche, quand ce n’est pas le cas, la concentration des investissements devient l’ennemi de l’efficacité. »

Et force est de constater que cette concentration a bien eu lieu… parfois pour des raisons qui peuvent dépasser le seul ROI. « Il faut avouer qu’il a pu y avoir au départ un phénomène de la nouveauté pour certaines plateformes, estime Franck Gervais, le président de l’Union des Marques et représentant des annonceurs. Sans parler de hype, on peut admettre une certaine effervescence. Car les ROI de ceux qui y vont les premiers sont toujours très bons, donc tout le monde veut y aller. S’ensuit alors un effet de masse qui tend à réduire l’efficacité. » Ainsi, depuis plusieurs mois, tout le monde constate une décélération du phénomène et une meilleure diversification des investissements vers les médias. Les questionnements autour des Gafa, la mise en place de protocoles de mesure plus précis, de certification (Digital Ad Trust) pour plus de sécurité pour les annonceurs, permet de comparer les solutions et de faire des choix plus éclairés. « Les responsables marketing sont des gens rationnels ! continue Franck Gervais. Donc le phénomène se tasse et on revient au rôle premier des agences, de guider les annonceurs dans l’univers médiatique ».

Ce qui fait le bonheur de l’Udecam. « Nous croyons fortement en notre métier, en son utilité – et la quantité de travail que nous demandent les marques jour après jour nous la démontre, s’enthousiasme Raphaël de Andreis. Nous devons développer des combinaisons très spécifiques, pointues. » À cela s’ajoute une remise en question du saint graal de la publicité ciblée. En mai dernier, un article du Wall Street Journal, citant une étude menée par quatre universités posait la question du modèle de la publicité ciblée. Selon l’étude, la plus-value pour l’éditeur n’était que de 4 % entre publicité ciblée et publicité non-ciblée. Or, les investissements nécessaires à la récolte de la data sont très importants. Le mythe de la bonne publicité adressée au bon moment à la bonne personne sur le digital commencerait-il à se fissurer ? « Selon moi, ce qui a surtout été sous-estimé, c’est l’extrême vigilance des internautes quant à l’utilisation de leurs données personnelles. Et cette tendance accompagnera voire accélérera la baisse de la publicité ciblée », estime Louis Dreyfus, président du directoire du journal Le Monde. En pistant ses lecteurs, un éditeur coupe une part du contrat de confiance qu’il établit avec eux. « Nous sommes très attentifs à cela, poursuit le patron de média. Un modèle économique basé sur l’abonnement permet d’établir un lien très fort avec ses lecteurs, de leur proposer un univers de lecture plus confortable. Et les contenus réalisés de manières plus professionnelles et indépendants permet aux lecteurs d’y porter davantage d’attention ». Ce qui, in fine, ouvre la voie à des publicités moins nombreuses et beaucoup plus valorisées… « Donc développer l’abonnement numérique ne se fait pas au détriment de la publicité », conclut Louis Dreyfus. C’est aussi la vertu du modèle par « identification », c’est-à-dire connexion via pseudo et mot de passe, qui est en train de voir le jour, pour des raisons de confiance avec l’internaute, remettant en cause le modèle de tracking par cookie. Car le RGPD est passé par là, et l’ancien modèle de ciblage perd de son aura. Apple restreint fortement les cookies, quand Google a annoncé vouloir établir de nouveaux standards en passant non par le pistage individuel, mais par groupes de personnes (le projet Sandbox). L’autre piste pour les éditeurs consiste à renforcer la publicité contextualisée, c’est-à-dire adressée selon le contexte du contenu. « Elle a été sous-estimée, concède Raphaël de Andreis. Le bon contexte augmente de 30% l’impact d’une campagne ! Car il augmente l’engagement. C’est logique pourtant ! Il faut revenir au bon sens et réobjectiver les choses. » Pour objectiver la pub, les rencontres de l’Udecam entendent créer le bon... contexte.

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