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Après un an de discorde, Matthieu Pigasse et Xavier Niel, cogérants du groupe Le Monde, renouent leur alliance en reconnaissant un droit d'agrément aux personnels et en envisageant la création d’une fondation.

Le Guardian et le Frankfurter Allgemeine Zeitung ont-ils montré la voie vers une sortie de crise pour le groupe Le Monde? Ces journaux statutaires, fondés en 1821 pour le britannique et en 1949 pour l’allemand, reposent sur le modèle capitalistique de la fondation. Et c’est ce qu'a proposé Xavier Niel à Matthieu Pigasse pour sortir des tensions qui avaient pris racine en juillet 2018. Le «banquier punk», acculé par des dettes, avait vendu 49% de ses parts du groupe Le Monde (qui inclut aussi Télérama, La Vie, Courrier international...) à Daniel Kretinsky, milliardaire tchèque déjà proprétaire de magazines français (Elle, Télé 7 jours, Version Fémina, Marianne...). Inquiet de cette entrée par surprise au capital, le pôle d’indépendance avait réclamé la signature d'un droit d'agrément pour adouber ou répudier l'arrivée d'un nouvel actionnaire. Sans succès depuis un an. Constituée des actionnaires historiques du groupe (journalistes, personnel, lecteurs et fondateurs), cette entité détient 25% du capital contre 75% pour Le Monde libre, co-contrôlé par Xavier Niel et Matthieu Pigasse. Ces derniers possèdent en effet chacun 26,6% des parts de la holding avant de monter à 40% d'ici mars 2021, suite au décès de Pierre Bergé avec lequel ils avaient racheté le Monde en 2010.

L'annonce par surprise en juillet dernier de l'entrée en négociations exclusives de Matthieu Pigasse et Daniel Kretinsky pour racheter les 20% du groupe Prisa dans Le Monde libre a mis le feu aux poudres. Même si seuls Matthieu Pigasse et Xavier Niel seraient restés associés commandités, c'est-à-dire cogérants.

Un trust à l'anglo-saxonne

Créer une fondation, c'est pour Xavier Niel l'occasion de rassurer les 1600 salariés du groupe. «Cette crise a marqué une période intermédiaire pour des actionnaires qui ont rebattu les cartes dans un jeu de poker menteur. Mais l'indépendance éditoriale avait été perdue à leur entrée au capital. La mobilisation du journal et de 500 personnalités, publiée dans le quotidien, a permis à la rédaction de réaffirmer son poids dans le rapport de force avec les actionnaires et de redéfinir son indépendance, souligne Valérie Jeanne-Périer, responsable de l'école de journalisme du Celsa. Créer une fondation, c'est construire symboliquement un mur infranchissable entre l'éditoral d'une part et les réalités de la vie économique, de l'actionnariat et des soubresauts capitalistiques de l'autre.»

Pour Jérôme Bouvier, président des Assises du journalisme, «la Fondation repose sur le modèle anglo-saxon du Trust. Elle permet de sanctuariser le capital d'un média pour le mettre à l'abri des pressions. Le candidat Macron avait d'ailleurs promis la création d'un nouveau statut pour les médias sur ce modèle britannique [Guardian, BBC...]. Mediapart vient de le faire en créant trois structures –dont un fonds de dotation– pour racheter aux membres fondateurs leurs parts. Mais ce système ne peut fonctionner que si le média gagne de l'argent.» Selon Louis Dreyfus, président du directoire du groupe, «Le Monde affiche des bénéfices depuis quatre ans. Et le lancement des travaux préparatoires à la création d'une fondation sera au programme du prochain Conseil de surveillance le 3 octobre.»



 

 

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