Télévision
À mesure que les usages se développent, les chaînes télé affinent leur stratégie de monétisation des contenus sur le digital. Reste quelques problèmes à régler.

Live sur ordinateur, replay sur téléviseur, preview sur mobile… On le sait, la consommation télé se fragmente. Selon Médiamétrie, 6,2 millions de Français regardaient chaque jour un programme en replay, que ce soit sur téléviseur, ordinateur, mobile ou tablette, au deuxième trimestre 2019. « C’est devenu un usage relativement massif : 7 % de la consommation télé des 25-49 ans se fait aujourd’hui en digital, qu’il s’agisse de délinéaire ou de live digital », souligne Philippe Boscher, directeur adjoint marketing digital, data, research et innovation à TF1 Publicité.

Un « énorme relais de croissance »

Les chaînes ont bien compris qu’il y avait dans cette consommation à la carte un relais de croissance publicitaire à ne pas négliger. Chez FranceTV Publicité, le digital (à 95 % le replay) représente déjà 8 % du chiffre d’affaires de la régie, soit une trentaine de millions d’euros par an. À TF1 Pub, les recettes du digital ont progressé de 40 % en deux ans, mais la régie ne communique pas le montant que cela représente. « C’est un énorme relais de croissance. On est vite en dizaine de millions d’euros, ça fait beaucoup d’argent », pointe Philippe Boscher. De son côté, M6 Publicité parle d’« une part croissante » de son chiffre d’affaires, même si « comparé à la télévision, ça reste minoritaire », indique Hortense Thomine Desmazures, directrice générale adjointe en charge du digital.

Au fil des ans, la stratégie des chaînes s’est affinée en matière de monétisation. France Télévisions comme TF1 ont complètement renoncé aux formats display pour ne garder que des formats vidéo au sein de leur plateforme numérique - France.tv (15 millions de visiteurs uniques par mois en moyenne pour le replay 4 écrans au deuxième trimestre, selon Médiamétrie), MyTF1 (18 millions de VU). « C’est un parti pris non négligeable [1,8 million d’euros de recettes par an] », se souvient Vincent Salini, directeur commercial numérique de FranceTV Publicité. « Tout ce qui empêche l’internaute d’entrer dans le contenu est contre-productif », renchérit Philippe Boscher chez TF1 Pub.

Adswitching

D’où l’abandon du display classique, mais aussi des interstitiels mobiles et des pre-rolls sur le live. Celui-ci est de toute façon monétisé avec l’adswitching, ce procédé qui consiste à remplacer à la volée les coupures publicitaires de l’antenne par des spots spécifiques au numérique. Même logique chez M6 avec sa plateforme 6Play (11,4 millions de VU), à l’exception d’un format display, le 6 break, qui s’affiche à l’écran si l’utilisateur met son programme sur pause.

La pression publicitaire est elle aussi modulée en fonction de la durée du contenu regardé, de l’écran utilisé et même du profil de l’internaute. Chez France Télévisions par exemple, les vidéos de moins d’une minute ne comportent pas de pré-roll. Celui-ci se limite ensuite à 30 secondes dans le cas d’une vidéo de 1 à 10 minutes, 60 secondes pour une vidéo de 10 à 20 minutes et 90 secondes pour les vidéos de plus de 20 minutes. La régie limite aussi à un seul pre-roll les contenus de France.tv Slash, destinés aux millennials, plus réfractaires à la publicité que leurs ainés. Chez TF1, la durée de la publicité est également plus courte sur mobile.

L’introduction d’un login, obligatoire sur MyTF1 et 6Play, optionnel pour l’instant sur France.tv, a constitué un tournant dans la monétisation des contenus digitaux des chaînes. L'intérêt d'obliger l’utilisateur à créer un compte ? Aller au-delà de l'environnnement programmes. « Ça nous a permis de proposer du ciblage. Le socio-démo était une grosse attente des annonceurs », se rappelle Hortense Thomine Desmazures chez M6 Publicité. Le groupe M6, qui a rendu le log obligatoire début 2016, compte à ce jour 27 millions de logués, TF1, 25 millions. « La moitié des campagnes sur MyTF1 sont faites sur un ciblage par affinité avec le programme, l’autre moitié sur un ciblage socio-démo ou comportemental », évalue Philippe Boscher, qui rappelle que le login a permis au groupe TF1 « d'augmenter très nettement [ses] coûts pour mille ». « Au-delà de l’intérêt publicitaire, le login doit apporter une plus-value éditoriale », ajoute Vincent Salini à France Télévisions.

Reste un problème : si 60 % du replay se regarde aujourd’hui sur téléviseur, via les box des opérateurs, les chaînes ne peuvent pas y mettre en place un login, ce qui limite la capacité de ciblage. « L’IPTV garantit une exposition maximale, il devrait être beaucoup mieux monétisé qu’il ne l’est », estime Hortense Thomine Desmazures.

C’est pour tenter de remédier à ce problème que TF1 Pub travaille avec Médiamétrie sur le data profiling : à partir de la consommation replay d’une box, l’institut tente de reconstituer le profil de l’utilisateur. Deux cibles sont déjà proposées par TF1 grâce à ce procédé : les femmes 25-49 ans et les 25-49 ans. De son côté, M6 Publicité a développé son propre outil pour tenter de reconstruire le profil socio-démographique des consommateurs de replay en IPTV. « Les annonceurs cherchent aussi un apport de couverture entre la télé et le digital, l’apport incrémental du digital doit pouvoir être mesuré », insiste Hortense Thomine Desmazures. Un défi de taille.

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