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Romain Marsily, publisher de Vice et enseignant à Sciences Po Paris, revient pour Stratégies sur l'actualité de la semaine écoulée.

L'annonce précipitée par Le Parisien de l'arrêt de Xavier Dupont de Ligonnès. 

Un emballement policier a provoqué un emballement médiatique démultiplié, panurgique et qui peut prêter à l'ironie. La course à l’immédiateté nuit à l’esprit critique, à la vérification des faits et au pluralisme, et ce, de manière grégaire. Le rapport parfois superficiel aux faits, exponentiel à l'ère digitale, est une menace pour les institutions démocratiques. Les citoyens en ont l’intuition et c’est aussi pour cela qu’ils valorisent de plus en plus le traitement moins rapide et plus approfondi de l’information.

L’OCDE détaille les contours de la future taxe Gafa.

Il ne s’agit pas tant de taxer les Gafa que de créer les fondations d’une fiscalité nouvelle pour des économies largement dématérialisées et extra-territorialisées. La régulation ne peut donc être que globale, sans quoi elle est antiéconomique. Ce projet est donc d’autant plus intéressant qu’il s’agit d’une première tentative significative de gouvernance fiscale mondiale. Et la France a largement contribué à faire avancer ces réflexions. Mais rien n’est encore acquis.

Éric Zemmour boycotté par des annonceurs.

La liberté est le meilleur des paris. Les chaînes sont libres de choisir cet aspect de leur ligne éditoriale, les annonceurs sont libres de vouloir y être associés ou non, les téléspectateurs libres de regarder ou non, et de gratifier ou non les marques pour leur éventuel boycott. Chacune de ces libertés doit être respectée en dehors de toute connotation moralisatrice et de toute confusion des ordres. Mais bien au-delà du cas Zemmour, méfions-nous toujours des tentatives de pression sur la liberté éditoriale, d’où qu’elles viennent. Et ce même si les intentions semblent parfois louables. Les médias doivent être garants de la pluralité des opinions et de la qualité de débats contradictoires, faisons-leur confiance pour cela.

Libération s'engage à ne plus tracker ses abonnés.

Le respect des données ne doit pas concerner uniquement ceux qui ont les moyens de payer un abonnement. Les trackers permettent une publicité mieux ciblée et plus qualitative, aussi bien pour les annonceurs que les lecteurs. Mieux vaut donc s’engager, avec tous les acteurs, privés comme régulateurs, dans des démarches assurant des publicités non-intrusives et un meilleur respect de la sphère privée de chacun. En France, au-delà du RGPD, le label Digital Ad Trust, impulsé notamment par le SRI, le Geste et l’ARPP, participe de cette démarche. Chez Vice, nous sommes heureux d'en faire partie.

Des numéros de téléphone ont été utilisés par Twitter à des fins publicitaires

Tant que les États n’inciteront pas à redoubler d’efforts par des règlementations plus sévères, ces abus perdureront. Sauf si l’on pense, non sans raison par ailleurs, que la bataille de la protection des données est déjà en partie perdue, et il est alors temps de bâtir de nouveaux modèles. Les réflexions de Gaspard Koenig autour d’un droit de propriété et de monétisation des données sont en ce sens très stimulantes. La révolution numérique, dont nous ne sommes finalement qu’au début, nous oblige, sur ces questions de libertés individuelles, à repenser tous nos schémas tout en préservant, espérons-le, l’essence de nos valeurs fondamentales héritées de la Renaissance et des Lumières, et qui sont aujourd’hui parfois menacées par le relativisme, le communautarisme et l’hystérisation des débats au détriment de la raison et de la décence commune.

À Hong Kong, Apple plie face aux autorités chinoises

Paraphrasons Tocqueville : serait-il sage de croire qu’un mouvement social qui vient de si loin pourra être suspendu par la censure d’une app sur l'Apple Store ? La cause de la liberté avancera tout de même tôt ou tard. Mais ne faisons pas de faux procès à Apple, qui n’a d’autre choix que de se soumettre à la réglementation locale. Souhaite-t-on que nos entreprises n’exercent leur activité que là où prévaut notre conception occidentale des libertés individuelles ? Cela limiterait leur potentiel et notre influence, ce soft power si fondamental à l’heure de la mondialisation culturelle multipolaire et hautement concurrentielle.

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