Télévision
Le président de Public Sénat développe une chaîne qui est aux antipodes de la dictature de l’urgence propre aux réseaux sociaux et aux chaînes d’information continue.

Ne cherchez pas sur Public Sénat la dernière actu qui circule sur une chaîne info. Emmanuel Kessler, son président, revendique une approche de « missionnaire au sens laïc » quand il s’agit de faire la « pédagogie de la complexité », d’apporter des « clés de compréhension » ou une « capacité de recul » qui font tant défaut aux médias de l’instant, voire de la précipitation. À la haute assemblée, il a emprunté pour sa chaîne une distance avec l’actualité immédiate, un sens du dialogue au-delà des postures partisanes et, bien sûr, un ancrage dans les territoires. Sur la question de l’immigration, qui fait débat dans l’hémicycle, il refuse d’oublier l’humain au profit d’une approche chiffrée et désincarnée.

L’ère des documentaires

Dans la vallée de la Roya, à la frontière avec l’Italie, Public Sénat a par exemple proposé des reportages dans deux villages : « là où ça se passe bien avec les migrants accueillis et là où les gens sont plus réticents », note-t-il. « Et toujours avec le souci de confronter les points de vue en mettant en avant la dimension humaine loin de la caricature et du simplisme. » Un signe qui ne trompe pas : son budget consacré aux documentaires a augmenté de 10 % depuis son arrivée. 

« Je ne suis plus journaliste », précise Emmanuel Kessler. Cet ancien rédacteur de la Gazette des communes passé par BFM Radio, puis par Public Sénat pour une chronique économique en 2003, a rejoint LCI sept ans plus tard comme chef du service éco. Pour lui, « l’économie ramène au concret et à la réalité alors que la politique, c’est du théâtre ». Lorsqu’il est choisi pour présider la chaîne, en 2015, il rejoint l’espèce devenue rarissime des patrons de chaîne venus du journalisme. Depuis, on sent qu’il a du mal à réprimer ses vues éditoriales. Dialogue citoyen, animé par Rebecca Fitoussi, c’est lui. « Je me refrène, j’ai appris à m’appuyer sur une équipe de qualité… », sourit-il.

Normalien, comme son frère David, directeur d’Orange Studio, Emmanuel Kessler voit dans le journaliste « l’historien de l’instant », cher à Albert Camus, plutôt qu’un accro à la « tyrannie de l’urgence » et aux « saccades » des réseaux sociaux. « Ce que j’ai retenu de mon parcours en philo, c’est la nécessité de cette distance avec l’actu, il faut attendre que le sucre fonde, comme disait Bergson. » Un sens de la durée qui sera bien utile à ce fils d’universitaire et de chercheur en physique théorique à l’approche des municipales. La chaîne aura alors 20 ans, et mettra à l’épreuve son nouveau slogan « Des questions à toutes vos réponses ». À travers Dialogue citoyen, C’est vous la France, Audition publique avec Francis Letellier, des portraits de maires ou un 26 minutes sur l’engagement des édiles en 2014-2020, il s’agira de conjurer la vague montante du populisme dont le ressort est de « faire croire que tout problème à des solutions simples ». Complexe.





Parcours



1963 : Naissance à Paris



1992 : Journaliste puis rédacteur en chef à la radio BFM après avoir commencé à la Gazette des communes



2003 : entre à Public Sénat



2007-2011 : chroniqueur éco à France Info puis France Culture



2011 : Rédacteur en chef adjoint, chef du pôle éco de LCI



2015 : PDG de Public Sénat (renouvelé en 2018)

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