Chronique

Voiture-bashing, agri-bashing, grande distribution-bashing, politique-bashing, Greta Thunberg-bashing, avion-bashing, viande-bashing, on pourrait continuer la liste à l’infini. Une simple recherche sur le web vous renvoie des milliers de réponses et vous amène aussi en vrac sur le triste « Ephad-bashing », le trop facile « SNCF-bashing », le « space-bashing » – ça, il fallait y penser –, sans oublier le « Giroud-bashing » tellement apprécié des fans de foot.

L’expression s’est installée comme une mode. Mais le phénomène est partout. Qu’il cible des secteurs d’activité, de personnalités médiatiques, ou qu’il prenne pour bouc émissaire n’importe quel adulte ou adolescent sur les réseaux sociaux, tout le monde peut en être victime. Cible éphémère, cible durable, le bashing est protéiforme. De la cour de récré à Instagram, de Twitter aux médias, il est sans répit. Du long poison de la rumeur à la phrase sortie de son contexte, de l’erreur corrigée à la faute avouée, tout en est prétexte. Le trend bashing de la semaine chasse celui des jours précédents. Celui du soir efface celui du matin.

On ne s’attardera pas ici sur ce que ce phénomène dit de notre société, beaucoup d’auteurs et de sociologues l’ont étudié. La pulsion agressive de l’individu démultipliée par le défoulement collectif n’a pas attendu Facebook pour s’exprimer depuis des millénaires dans la société. La haine de l’autre et l’amour de soi en sont une des causes plus récentes. Les réseaux sociaux et l’anonymat qui protège et absout sont devenues son amplificateur. Inutile de s’inquiéter des conséquences psychologiques, réputationnelles, ceux qui bashent n’en ont cure tant la banderille procure du plaisir. N’essayons pas d’en appeler à la bienveillance, au respect, à l’écoute, au dialogue constructif, au débat objectif, aux arguments rationnels, au « le monde n’est pas tout blanc ou tout noir », tant on a parfois le sentiment que ces mots et ces convictions sont devenues du grec ancien dans un débat public marqué par la polarisation, la radicalité et l’effacement des modérés.

Entrer dans l'arène

Pour nos métiers, le bashing n’est pas une crise comme une autre. Même le triptyque historique de la gestion de crise, compassion-transparence-action, n’est plus un viatique suffisant pour y échapper : la compassion parce qu’elle est suspectée de n’être qu’un acte de communication insincère, la transparence parce qu’elle est ébranlée chaque jour par la défiance quand ce n’est pas par le complotisme, l’action parce qu’elle n’apparait jamais suffisante ni jamais assez rapide quand le grand déchainement s’abat sur vous. La recherche d’alliés, figure classique de la communication corporate, devient dans ces situations une digue fragile. Même téméraires, ces avocats potentiels auront vite fait de prendre peur d’être englués eux aussi dans les méandres du lynchage.

Que faire donc face au bashing ? Confrontées à des statuts et à des situations chaque fois différentes, entreprises, institutions, personnalités médiatiques, individus cherchent la bonne stratégie. Se taire, laisser passer l’orage. C’est souvent impossible tant l’omniprésence des traces laissées par ces attaques risquerait d’affaiblir la trace que vous avez voulu marquer par votre action. Entrer dans le débat en refusant la polémique, adopter une posture humble et marquée par la stratégie de l’effort, essayer de convaincre les sans-opinion, les « plutôt oui ou plutôt non », c’est parfois possible quand votre crédit est solide, mais cela n’éteindra pas l’épisode du bashing. Ou adopter une autre posture, celle d’entrer dans l’arène, de concéder bien sûr les erreurs et les imperfections, mais de réfuter avec force les arguments fallacieux, de démontrer la malveillance de ceux qui bashent, bref de rendre la riposte aussi forte et impactante que l’agression dont on se considère victime. Face au bashing, loin des postures consensuelles et fédératrices, la communication redevient un combat. On l’avait parfois oublié.



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