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Des mots
11/06/1999Bouge l'Europe!», nous lance un Robert Hue récemment converti au hip-hop. «Construisons notre Europe», ajoute le bon bâtisseur François Hollande. «Avec l'Europe, prenons une France d'avance», renchérit François Bayrou. «L'Europe pour la France», résume Nicolas Sarkozy. «Tous pour la France», assène Charles Pasqua. «Et si le vert était la couleur du XXIe siècle?» s'interroge Daniel Cohn-Bendit, au moins sûr de faire un tabac auprès des fans de l'équipe de football de Saint-Étienne. Franchement, ce n'est pas avec ce genre de slogans que les Français, notamment les plus jeunes, se mobiliseront dimanche pour les élections européennes. D'accord, il ne s'agit que de mots, mais les débats sont à l'avenant. Pourquoi ce coulis de logorrhée technocratique qui nous fait presque regretter les excès des campagnes à l'américaine, où les candidats multiplient les coups en dessous de la ceinture? Le pire, c'est que ces signatures reflètent bien le positionnement marketing de chacune des listes. Derrière leur grande banalité, on sent même la patte d'experts prompts à vous décrypter la société française, conseillant de ménager la chèvre sans fâcher le chou. L'Europe des affaires est une réalité. Celle de la communication n'a pas attendu les hommes politiques pour avancer, comme en témoigne encore cette semaine la montée du groupe français Vivendi dans BSkyB, le bouquet numérique britannique. La communication politique est bien encadrée mais la pauvreté des messages de cette campagne révèle surtout la grande faillite des idées. La carte Inter Rail hier, Internet et Intranet aujourd'hui ont déjà plus fait pour le rapprochement des peuples que n'importe quelle déclaration d'intention. Les hommes politiques ont encore perdu une occasion de nous faire rêver d'Europe.