Aujourd’hui au cœur des enjeux de la majorité des entreprises, la transformation digitale continue, en France, de nourrir un discours bien souvent empreint de catastrophisme. Mais s’il bouleverse indéniablement l’ensemble des composantes de l’entreprise et de la relation aux clients, n’oublions pas que le digital est d’abord et avant tout source d’innombrables opportunités, dont nous sommes encore très loin d’avoir exploré tous les possibles.

Car pour une grande majorité d’entreprises, la transformation digitale ne consistera pas à cesser la production d’un produit A pour passer à un produit B qui n’aurait rien à voir. En réalité, il s’agit de comprendre les apports technologiques et d’anticiper leur courbe d’adoption de masse; il s’agit de s’adapter aux changements de comportements des clients pour imaginer des expériences nouvelles; il s’agit de saisir des opportunités d’adaptation et de rupture pour ajouter de nouvelles sources de business; il s’agit enfin de rassurer, de former au digital et de recruter les collaborateurs qui accompagneront ces évolutions.

Innovation, adaptation, addition et acculturation: voici les quatre mots-clés de toute entreprise souhaitant initier un projet de transformation digitale.

Innovation. Cela passe d’abord par une veille réactive. Ne pas se contenter de lire ce qui est nouveau, mais se poser à chaque innovation deux questions simples: «Qu’est-ce que cela changera à la vie de mes clients?» et «Qu’est-ce que cela pourrait apporter à mon business dans la continuité ou dans la rupture?». Ces mêmes questions émergent à l’analyse de la data, qui représente un gisement d’innovations inépuisable. Un chiffre parle de lui-même: l’innovation digitale représente désormais 8,1% du total des dépenses de recherche et développement des entreprises (source: Booz & Co). Ce n’est plus une option!

Adaptation. Tout part de l’expérience client. Les nouveaux comportements, les nouveaux concurrents «pure player» d’un secteur donné, ou encore l’adoption de la technologie nous demandent de définir une nouvelle expérience client. Exemple? Un pure player du pneu permet, ou permettra, de choisir un pneu en ligne, d’être conseillé à distance, de se faire livrer dans un centre de montage, de prendre et suivre son rendez-vous avec son mobile, de recevoir sur son GPS embarqué l’itinéraire pour aller au garage et de payer sur place grâce à son mobile. Les industriels du pneu doivent donc s’adapter à cette nouvelle offre, en relevant des défis multiples: modifier la stratégie de communication pour influencer cette part d’audience digitale; développer de nouvelles plateformes pour attirer et engager les prospects, et créer une préférence de marque. Fournir aux prospects et aux distributeurs les outils digitaux pour prolonger cette expérience digitale dans le réseau physique. Adapter l’organisation marketing à ces nouveaux parcours client.

Addition. Territoire des start-up innovantes par excellence, l’invention de nouveaux produits et services par de petites structures agiles et réactives effraie parfois les grands industriels. Une des réactions possibles est tout simplement d’acheter ces entreprises (les exemples sont légions: Zipcar par Avis, Ride Scout et My Taxi par Daimler, Vizelia et D5X par Schneider Electric, Wipolo par Accor, etc.). D’autres voies sont possibles, qui demandent une forte capacité d’innovation interne. On a vu fleurir ces dernières années dans les grands groupes des structures en charge de la veille et de l’innovation digitale, communément appelé «labs», tout l’enjeu est d’écouter, d’absorber et d'industrialiser les idées de nouveaux produits et services qui naissent de ces labs.

Une autre piste à creuser est celle de l’économie du surplus: nous sommes entrés dans l’âge de l’accès (par opposition à l’âge de la propriété), et le digital en est un formidable accélérateur. C’est aujourd’hui un domaine dont se sont emparés les sites collaboratifs et les acteurs de l’économie du partage. Mais les entreprises aussi peuvent innover en proposant des moyens de monétiser leurs surplus: par exemple, les outils du quotidien (une perceuse est utilisée 12% de sa durée de vie). Charge aux industriels d’équilibrer leur modèle de valeur pour que ces nouveaux produits et services leur apportent des bénéfices autant qu’à leurs clients.

Acculturation. Dans son acception première, l’acculturation est l’adaptation d'un individu ou d'un groupe à la culture environnante. Incarnés en premier lieu par les jeunes générations, les quatre fondements de la culture digitale sont la technologie, l’ouverture, l’utilité et l’agilité. Il pourrait donc suffire d’attendre: dans dix ou vingt ans, l’arrivée de nouveaux talents de plus en plus empreints de culture digitale finirait bien par acculturer au digital l’entreprise toute entière jusqu’au Top management! A cela près que seuls 7% des individus de la génération Y travaillent aujourd’hui pour une entreprise du Fortune 500.

Toute l’entreprise doit devenir avide de connaître et d’apprendre ce que change le digital. Cela commence bien sûr par le top management, mais comment sensibiliser l’ensemble des collaborateurs au digital? Avant tout par l’exemple et l’usage réel: inviter au sein de l’entreprise des équipes de partenaires et start-up en mode de travail collaboratif; pour les forces de vente et les marketeurs, leur faire vivre le parcours digital de leur client en leur faisant pratiquer les outils qu’ils utilisent; pour les recruteurs, collecter les conversations en ligne sur les expériences post-entretiens; pour les ingénieurs, leur faire rencontrer les blogueurs influents qui ont démonté leur produit et postent des tutoriels de réparation.

N’ayons pas peur de la transformation digitale. Soyons confiants et audacieux. L’accélération brutale du changement doit être source d’enthousiasme, et non de découragement. Utilisons cette force pour innover en prenant le meilleur de la technologie pour nos entreprises, pour adapter l’expérience client à ses nouvelles attentes et ses usages, pour ajouter de nouveaux produits et services à notre offre, pour acculturer nos collaborateurs à ces révolutions.

Le futuriste Thomas Frey a récemment prédit qu’en 2030, 50% des entreprises actuelles du classement Fortune 500 auraient disparu. Je préfère essayer d’imaginer comment les 50% «survivantes» se seront transformées.

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