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Face à la fuite des cerveaux qui s'accélère en France plus qu'ailleurs, Alice Zagury, cofondatrice et directrice générale de The Family, formule trois propositions cette semaine dans sa chronique: discrimination positive, tolérance à la fête et confiance dans les jeunes talents. Trois propositions pour changer notre système de valeurs.

La fuite des cerveaux n’est pas un phénomène nouveau. Ce qui est nouveau, c’est qu’elle s’accélère en France plus qu’ailleurs. La croissance de l’émigration révélée par Eurostat accable sans surprise d’abord l’Espagne - où il y a trois fois plus d’émigration de 2006 à 2012 - mais blâme aussi la France avec 52% de plus de talents en fuite. Nous sommes pire que l’Italie (41%), la Suisse (15%), la Suède (17%), et bien loin de nos amis du Royaume-Uni, de la Belgique ou de l’Allemagne qui connaissent, à l’inverse, une décroissance de l’émigration sur la même période. Face à ce constat, on accuse le manque de moyens disponibles pour nos talents. Cet argument ne tient pas la comparaison avec les autres pays d’Europe. L’allocation des ressources - privées ou publiques - est la conséquence d’un système de valeurs. Les grands changements commencent toujours par de petites propositions... En voici trois.

 

Je peux en placer une? De la discrimination positive pour les jeunes. Il n’y a pas de désamour entre les générations mais à force de ne pas avoir voix au chapitre, la jeunesse écrit ses propres pages en opposition au monopole des anciens, au risque de partir. Exemple: la télévision. Allumez-la et observez. Combien de moins de 25 ans à l’écran? Zéro. Les programmes de télé-réalité en sont plein, rétorqueront certains. LOL. Merci mais cette jeunesse castinguée pour son manque de fond n’est ni représentative ni aspirationnelle. Cette caricature est tristement la seule incarnation qu’on veut bien donner de la jeunesse. Alors, plutôt que d’attendre, les jeunes foncent là où la sélection à l’entrée est ouverte: Internet ou l’étranger. Canal+ l’a bien compris en sourçant ses nouveaux talents depuis You Tube.

 

Alors on danse? Plus de tolérance à la fête. 23h30, Paris 4e, la police sonne: «Madame, veuillez arrêter la musique, vos voisins se plaignent.» Le vivre-ensemble dérive complètement vers un «vivre-selon-les-seniors». C’est la conséquence de décisions légales choisies sans prendre en compte la réalité des jeunes. Paris joue au roi du silence tous les soirs et les jeunes sont contraints de faire la fête sans bruit, ou ailleurs. Quand j’interroge le policier devenu habitué à nos échanges, il abonde: «Vous savez, Madame, Paris est la ville la moins tolérante d’Europe en termes de décibels.» À The Family, nous affichons sur nos murs nos principes et parmi eux se trouvent celui-ci: «Partying is a serious matter». Savoir faire la fête est quelque chose à prendre très au sérieux, c’est la base pour une communauté qui veut accélérer les échanges et l’innovation.

 

Autodidacte et motivé, tope-là? De la prise de risque et de la confiance. La France est une mine de talents, de savoir-faire, d’inventeurs et de créateurs. On le sait. Mais le talent n’est rien si aucune porte ne s’ouvre à lui. En France, qu’on parle des entrepreneurs qui se ruent vers San Francisco ou des artistes qui partent à Bruxelles, Berlin ou Los Angeles, tous disent la même chose: «On ne me comprend pas ici». À quoi bon former des talents si on sait pas prendre le risque de croire en eux? Ce risque est possible si 1) des jeunes sont intégrés aux niveaux de sélection et de décision, quels qu’ils soient; 2) les critères changent pour valoriser le potentiel et l’envie plus que le diplôme; 3) une proposition innovante n’a pas besoin de la validation d’une quelconque personnalité ni autre instance inaccessible pour qu’on ose croire en elle et qu’on la soutienne.

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