Ici New York
Si vous pensez que le rêve américain exaltant la réussite individuelle est une réalité, c'est peut-être que vous connaissez mal l'organisation des entreprises outre-Atlantique: Clarisse Lacarrau, planneur stratégique installée à New York, poursuit cette semaine son exploration des dessous du storytelling américain.

Si l’«american dream» couronne le succès d’un individu, la réalité quotidienne est bien loin de ça. L’individualisme - à savoir privilégier son destin personnel à celui du groupe - est un caractère peu courant. L'expérience de l’entreprise en est la preuve la plus flagrante. En Amérique, tout le monde est «vice president» de quelque chose (de la stratégie, de la communication, du marketing). A côté, la pub française, avec ses directeurs de tout (artistiques, commerciaux, de stage), c’est de la rigolade. Ces titres servent à neutraliser les velléités individuelles. Et surtout à dé-responsabiliser chacun d’un quelconque impact au quotidien.

 

Et c’est là qu’on prend conscience que derrière le culte du «team spirit» souvent vanté ici se cache une culture militaire de l’organisation. En fait, quand vous êtes salarié (ce qui jamais ne vous mènera à l’american dream cité plus haut), vous êtes un peu comme un réserviste de l’armée. Vous avez une fonction, une tâche qui peut se révéler minime et souvent peu utile.

 

Il est alors terrible de constater un grand nombre d’employés, assis devant leur ordinateur, prétendant travailler au point de ne pas pouvoir déjeuner et ne faisant rien jusqu’à ce que le général en chef finisse par sonner la cloche et appeler tout le monde sur le champs de bataille. Commence alors une certaine panique organisationnelle qui ressemble à s’y méprendre à ce que doit être un briefing à l’armée, dans l’urgence et la panique (je n'ai pas fait mon service militaire mais j’ai vu beaucoup de films américains sur le sujet).

 

Des jours entiers, voire des semaines, peuvent passer sans n’avoir rien à faire - une acceptation de l’ennui et de son inutilité sans broncher. En bref, un rapport très administratif au travail (et oui, je parle aussi de la publicité). Et la flexibilité du travail qui fait qu’on peut partir (ou être viré) du jour au lendemain est la clef de voûte de cette soumission, la peur en somme qui se cache alors derrière la prétendue liberté.

 

Tout cela s’explique par les derniers relents du taylorisme (inventé par ce cher Ford) mais la bonne nouvelle, c’est que ce système qui tend à faire de chaque Américain salarié de la chair à canon pour la guerre économique est questionné par la nouvelle génération - encore elle -, nos chers et tendres Gen Y.

 

Ils savent le risque qu’il y a de se faire enfermer dans une expertise (concepteur rédacteur, marketeux, développeur…) et entrer dans la chaîne de fabrication économique pour en devenir un rouage parmi tant d’autres, un soldat au garde-à-vous. Il démissionnent avant qu’on les vire, sont à la fois employés, entrepreneurs et freelance, ont déjà eu mille métiers à 30 ans et refusent ce pacte économique, ce qui bouscule tout naturellement l’organisation sociale et économique de la société américaine. Pour le meilleur, selon moi; pour la liberté de chacun, surtout.

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