Mobilis in mobile
Quelle est l'influence de la géographie (et parfois de la géopolitique) sur l'innovation? C'est la question que se pose cette semaine Stéphane Distinguin, président de Faber Novel, de retour de San Francisco où la crainte du «big one» ne paralyse pas les esprits. Bien au contraire...

J’étais la semaine dernière à San Francisco pour quelques jours et la première fois de l’année. 2015 a commencé en trombe et il m’a fallu un trimestre pour enfin prendre l’air de la Bay, parfait à cette époque. Le décalage horaire contribue à l’énergie. Qu’on la perde ou qu’on la gagne des deux côtés de l’Atlantique et du Pacifique, la journée s’inverse, et les moments vaseux comme trop éveillés façonnent la perception. J’ai l’impression qu’on le dit rarement, mais la géographie s’impose dans l’expérience de ce voyage, vers cet anti-Paris, cette mégalopole de province, tellement loin, qui se couche tôt mais vous fait veiller tard et lever bien avant le soleil.  

Géonumérique

Voilà sans doute le premier théorème de la transformation numérique: plus on dématérialise, plus on donne de valeur aux espaces et aux rencontres physiques.

Fernand Braudel expliquait de façon lumineuse que la France, l'un des premiers pays au monde en termes de surface maritime et d’accès à la mer et aux océans, n’avait pourtant jamais su dans son histoire choisir entre la Méditerranée et l’Atlantique, continuant ainsi à regarder sous ses pieds. La France est un pays de «terroir» et de terriens. D’ailleurs, sa capitale, Paris, est au centre du pays et loin de la mer, à la différence de tant de grandes métropoles. Aussi, par comparaison, on peut se demander si on ne vit pas dans un environnement tellurique très particulier quand on vit sur la faille de San Andréas, en attendant un «Big One», un séisme qui pourrait tout détruire en un instant, à San Francisco et dans ses environs. Et que dire d’Israël, la «start-up nation», qui évolue dans le contexte géostratégique que vous connaissez? Qu’est-ce qui rend ces régions du monde plus innovantes que d’autres? L’urgence? Le rapport au risque? La solidarité de destin? Les territoires façonnent nos écosystèmes et c’est une autre façon de corroborer cet autre théorème, celui des «venture capitalists»: ne jamais investir à plus de deux heures de voiture.

A plus petite échelle, je reste persuadé que les espaces de travail et de rencontre sont un vecteur essentiel de la transformation en cours. Bien sûr, nous disposons des e-mails, des systèmes de vidéoconférence, de Slack plus récemment… Le télétravail est une bénédiction rendue seulement possible par les technologies numériques. Toutefois, et je vous le dis d’expérience, si le numérique a transformé nos usages et nos besoins, il nous a aussi imposé de mieux penser et habiter de nouveaux types d’espace. C’est le principe qui commande l'aménagement de nos bureaux, qui m’a permis de concevoir La Cantine et son réseau, d’opérer Parisoma - deuxième coworking à avoir vu le jour à San Francisco - ou d’accompagner depuis sa création les développements de la plateforme Bureaux à partager. Trois tendances de fond ici: l’hybridation des usages personnels et professionnels, le «workspace as a service» et l’économie du partage.

En conclusion, mobilis in mobile, le «physique» est une contrainte et une opportunité pour définir les meilleures conditions pour innover. Et c’est bien au contact du numérique que le plus d’usages d’avenir apparaîtront «IRL» pour la communication, l’immobilier, le commerce, les transports... C’est là encore de la géographie: c’est toujours dans les estuaires qu’on trouve le plus de poissons.

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