Réputation

«Transformation numérique», «capital humain», «talents», «innovation sociale», «agile», «génération Y», «diversité», «responsable»… Et si nous renouvelions le langage de l’entreprise? Un langage devenu uniforme, incolore, qui sonne parfois comme une tricherie. A croire que nous manquons parfois totalement de réflexivité. Sous le double effet de l’explosion du numérique et de la financiarisation de la société, la langue de l’entreprise s’indexe sur des normes. Un ventre mou de discours pourtant martelé pour répondre à la demande d’hypercommunication. Un discours désincarné, loin des préoccupations quotidiennes des salariés et de l’ensemble de la société.

Parce que la réputation est identifiée comme un des risques majeurs pour les entreprises, bien souvent le porte-parole opère sous l’injonction paradoxale de devoir s’exprimer sans ne pouvoir rien dire. Et ainsi ne cesse de s’accroître la défiance envers l’entreprise et la parole du dirigeant. Résultat? 0-0. Et si on refaisait le match?

Se taire n'est plus une option

Patrons, porte-parole, êtes-vous prêts? Prêts à débattre, à expliquer concrètement les projets que vous portez? Prêts à donner de la saveur aux métiers que vous défendez? Vous qui avez toujours osé, vous qui avez pris des risques, prenez celui de changer de posture. Venez parler des vrais sujets, descendez dans l’arène, parlez avec votre tête, votre chair et vos émotions. Puisque se taire n’est plus une option, refusez de parler pour ne rien dire. Osez renouveler vos mots et prenez la parole. Vraiment. A l’oral. L’oral est le lieu où se joue la confiance. Ne réservez pas ce format aux seuls managers, acteurs de proximité. Une récente étude dévoilait un constat sans appel: de 30% lorsque le PDG ou le directeur général ne s’exprime pas, la confiance dans sa parole grimpe à 70% lorsqu’il prend souvent la parole (1).

Première idée reçue: «Je ne peux pas dire ça, ça ne passerait pas, ils ne comprendraient pas.» Faux. Le corps social est de plus en plus accoutumé au fait économique et financier. Il connaît le diagnostic, il mesure au quotidien l’ampleur des tensions économiques et sociales et se trouve donc prêt à entendre la suite. La suite, c’est le plan d’attaque, les évolutions nécessaires pour répondre aux défis. La suite, c’est avant tout le sens de l’action, le sens du quotidien. L’ère des «sachants» est révolue! L’opinion n’attend pas qu’on vienne lui faire des discours ni lui tenir un langage qui donnerait aux mensonges des allures de vérité. Vos publics sont prêts à dialoguer.

Deuxième idée reçue: «Ce n’est pas mon domaine d’expertise, je ne peux pas m’exprimer là-dessus.» Faux. Porte-parole d’une entreprise ou d’une institution, l’expertise vous donne certes la légitimité, mais, aujourd’hui, on attend que vous élargissiez la focale. On attend de vous à la fois le cap, mais aussi un point de vue sur les différentes contributions de votre entreprise à l’emploi, à l’égalité, à l’intérêt général, et encore plus loin, actuellement, à la paix sociale.

Oser une nouvelle langue

Porte-parole, engagez-vous! Nous avons besoin de leaders engagés, dans les actes et dans les mots. Des figures indispensables pour recréer les conditions d’une relation de confiance. Ces femmes et ces hommes, ils existent, et c’est à nous médias, salariés, entrepreneurs, consommateurs d’informations et citoyens de les laisser oser une nouvelle langue. Mais c’est à vous, porte-parole, de prendre un risque, de créer et d’innover aussi dans le langage. Faites vivre la saveur et les couleurs des métiers, parlez-nous du quotidien des femmes et des hommes de votre entreprise, partagez sans fard le douloureux constat d’une donne économique, sociale et politique difficile, mais venez débattre des options qui s’offrent à vous et des opportunités qui s’offrent à nous. Venez nous expliquer la décision, pour que l’on puisse vous suivre et, à notre tour, nous engager. Ne refusez pas le débat, engagez-vous dans un nouveau registre! Parce que vos publics sont aussi les électeurs de demain… Renouveler la langue, pour renouer avec le corps social, c’est aussi œuvrer contre la propagation de théories du complot sur lit de défiance envers les élites qui nous gouvernent et les patrons qui nous dirigent. Nous avons besoin de porte-parole engagés pour renouveler le débat, dans une dynamique, constructive, participative et citoyenne.


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