DROIT
Internet et les réseaux sociaux seront de moins en moins une zone de non-droit en Europe. Un arrêt récent de la Cour de justice de l’UE précise le niveau de responsabilité de chacun, particulier comme professionnel.

Nombreux sont ceux qui pensent toujours qu’internet est une zone blanche où tout est permis. Personne n’irait faire une campagne TV reprenant les anneaux olympiques alors qu’il n’est pas officiellement partenaire. Trop risqué, le CIO lui tomberait dessus instantanément. Alors qu’un post sur Facebook ou sur Twitter… c’est éphémère, moins visible et puis bon, c’est internet.

Fin de la zone de non-droit constituée par internet

Ceux qui essayaient tant bien que mal de respecter les droits d’auteur dans leur communication conversationnelle se cachaient souvent derrière un simple partage. Ils ne mettaient pas eux-mêmes le contenu contrefaisant en ligne, mais le récupéraient ailleurs et se contentaient de le partager en se disant qu’ils ne risquaient pas grand-chose. Eh bien, si. Tout cela est en train de changer. Internet ne va bientôt plus être une zone de non-droit. Surtout pour les professionnels. C’est en tout cas la volonté de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui continue à affiner ses décisions dans ce domaine. Elle a en effet rendu le 8 septembre 2016 un arrêt(1) important. L’affaire concernait un site d’information en ligne, GS Media, qui avait mis à disposition de ses lecteurs un lien hypertexte. Celui-ci renvoyait vers un autre site ayant mis en ligne «en avant-première» des photos destinées à être publiées dans le magazine Playboy quelques semaines plus tard.

Playboy avait alors adressé une demande de retrait du lien en question à GS Media, qui avait refusé argumentant qu’il n’était pas à l’origine de l’exposition au public des photos litigieuses (l’autre site l’était). GS Media indiquait s’être contenté de partager un lien, ne sachant d’ailleurs pas que les photos avaient été communiquées illégalement au public.

Cet argumentaire repris devant la CJUE n’a pas convaincu les juges, qui en ont décidé autrement, précisant qu'«afin d’établir si le fait de placer, sur un site internet, des liens hypertexte vers des œuvres protégées, librement disponibles sur un autre site internet sans l’autorisation du titulaire du droit d’auteur, constitue une “communication au public” au sens de cette disposition, il convient de déterminer si ces liens sont fournis sans but lucratif par une personne qui ne connaissait pas ou ne pouvait raisonnablement pas connaître le caractère illégal de la publication de ces œuvres sur cet autre site internet ou si, au contraire, lesdits liens sont fournis dans un tel but, hypothèse dans laquelle cette connaissance doit être présumée».

Augmentation de la jurisprudence

Cet arrêt est particulièrement important pour les professionnels de la communication digitale à deux niveaux: tout d’abord parce qu’il précise que l’éditeur d’un lien renvoyant vers un contenu illégal est aussi condamnable que le site l’ayant mis en ligne, ensuite car il crée une dualité, en termes de vérification de droits sur le contenu, et de responsabilité entre les particuliers (n’ayant pas de but lucratif) et les professionnels (ayant un but lucratif).  

Adaptons l’arrêt à notre industrie, plus précisément, remplaçons internet par «compte Twitter»: en retwittant un GIF extrait de Star Wars posté par un de vos followers, vous - agence ou annonceur agissant dans un but lucratif -  êtes présumé coupable de contrefaçon vis-à-vis de Disney (sauf bien entendu si vous êtes partenaire officiel).

En tant que professionnel, vous êtes censés faire les vérifications de droits contrairement aux particuliers. Ces derniers sont en effet présumés être de bonne foi, la propriété intellectuelle n’étant pas une évidence pour tous.

La jurisprudence augmente, avance et semble de plus en plus encline à réguler internet et les réseaux sociaux. Attention aux risques pour ceux qui n’en tiendraient pas compte.

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