Publicité digitale
Ces vingt dernières années, les relations entre les agences et les annonceurs se sont complexifiées et tendues. En cause? Des pratiques souvent troubles permettant aux agences de s’enrichir au détriment des annonceurs.

Si la loi Sapin de 1993 est parvenue à réglementer l’environnement publicitaire, qui se limitait alors à un nombre réduit de médias –télévision, presse, radio, affichage– en imposant la transparence des prix d’achat d’espace, c’était sans compter l’arrivée du digital qui a considérablement complexifié la donne.

Multiplicité des leviers –search, display, social…–, multiplication des modalités de paiement subtilement dissimulées sous une kyrielle d’acronymes –CPM, CPC, CPA, CPE, CPL…–, diversité des méthodes de tracking, prolifération des acteurs –agences médias, trading desks, gestionnaires et fournisseurs de données, plateformes d’échanges, régies publicitaires…

Cette évolution des usages n’a été que très récemment suivie d’une adaptation de la législation avec un décret sur la prévention de la corruption et sur la transparence de la publicité digitale qui a été publié il y a quelques jours et qu’il faut féliciter. Et la mesure était urgente puisque ce «vide juridique» engendrait une asymétrie d’information grandissante en défaveur des annonceurs, qui s’inquiétaient des détournements engendrés sur certaines campagnes médias.

Je pense évidemment au RTB, aussi appelé programmatique, où en moyenne sur 100 euros investis, seulement 40 correspondent réellement à de l’achat médias, et 60 sont répartis entre les différents intermédiaires, rendant difficile pour les annonceurs d’avoir connaissance du détail.

À l’heure de la data-dépendance

À ce phénomène s’ajoute la dépendance des agences et des annonceurs vis-à-vis des plateformes publicitaires en termes de données. Et pour cause, les régies sont juges et parties en vendant le média d’un côté, tout en délivrant de l’autre les rapports de performance conditionnant les budgets futurs alloués à la plateforme. Si les données fournies semblent difficilement opposables, on peut en revanche s’interroger sur leur fiabilité. Inutile de rappeler les faits d’actualité récents qui suspectent certaines plateformes comme Facebook, Twitter ou You Tube d’avoir sciemment gonflé des données clés utilisées par les annonceurs pour évaluer l'impact de leurs publicités.

Conséquences? Les annonceurs sont échaudés et ont le sentiment désagréable, et parfois justifié, de se faire avoir. Mais ce n’est pas tout, puisque c’est en réalité tout l’écosystème qui est affecté avec des rapports de force qui s’accentuent, de la défiance, des appels d’offres excessivement cadrés, des négociations de plus en plus rudes sur les éléments les plus visibles et compréhensibles, pour finalement accabler le plus les agences qui jouent le jeu de la transparence. Malgré un tableau relativement noir, des solutions alliant l’intelligence de l’homme et la puissance de la machine existent.

Développer l’insourcing pour reprendre la main

Pour anticiper janvier 2018 et l’entrée en vigueur du décret sur la transparence, les annonceurs doivent reprendre le contrôle sur leurs données. Ils y parviendront grâce à un suivi de la performance opéré par un tiers de confiance impartial. Parmi les outils à leur disposition, les «third party tracking tools» qui permettent d’évaluer la visibilité des impressions fournies par les régies. Les données qui proviennent du site, dites «site-centrics», principalement dans le cas de campagnes à la performance, permettent également d’avoir une vue objective de la qualité du trafic généré par les plateformes publicitaires.

Enfin, pour rendre aux annonceurs l’accès à une vision panoramique de leurs campagnes, il est temps de passer à un modèle vertueux et transparent où ces derniers ont la main sur leur adtech, ensemble de technologies utilisées dans le secteur de la publicité digitale. L’internalisation semble évidemment difficile dans un secteur où l’innovation galope. Je pense donc à un modèle où les annonceurs restent maîtres de leurs données, et sont en mesure d’accéder aux résultats de leurs campagnes. C’est ce que l’on appelle «l’insourcing». Au lieu que l’adtech ne soit possédée et contrôlée unilatéralement par l’agence, l’annonceur est en pleine possession de cette dernière, et fait appel à une agence pour le conseiller, opérer le stack technologique, et veiller à l’acculturation des employés. 

Ce sera aussi grâce au partage des compétences et de l’information que la transparence sera possible.

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