Mobilis in mobile
Un journaliste de The Verge, Casey Newton, résumait récemment, en un tweet, les trajectoires de Twitter et de Facebook : pour Twitter, la modification des tweets après publication est trop compliquée à mettre en place ; pour Facebook, un jour, il sera possible d’entendre avec la peau.

Quelle tristesse. J’ai confié 16 941 messages à la plateforme à l’oiseau bleu. Je me souviens de ma découverte du réseau social tout début 2007, avant l’iPhone, on allait sur une homepage sur laquelle tous les messages arrivaient. Il fallait rafraîchir la page pour découvrir les nouveaux messages. Quand Chris Messina - l’inventeur du hashtag - me l’avait montré, j’étais resté bouche bée devant la hype - confirmée quelques mois plus tard au SXSW de mars 2007 - du service et le message que j’y découvrais : une jeune femme y déclarait crânement : « Salut, je suis à la station-service et je nettoie ma voiture. » Quand Twitter plantait, des petits moineaux bleus portaient une baleine, la « Fail Whale ».  
Pourquoi Twitter ? À quoi ça servait ? À quoi cela allait servir ? Et déjà cette limite de 140 caractères.
Lancé comme service de partage de statuts, le réseau social devient vite le plus vivant des salons du web. C’est pour Twitter que le hashtag a été inventé. Le hashtag, LE symbole de la modernité, celui qui a définitivement enterré son prédécesseur, l’arobase. Les 140 caractères sont une contrainte qui inspire. Bernard Pivot s’y amuse. Tous les pratiquants ont eu à réécrire, raccourcir, remettre leur tweet sur le métier. On y apprend la mort de Michael Jackson en 2009. Le service sauve même des vies, les pompiers, la police vantant son immédiateté. On parle de microblogging mais vite, on perçoit que c’est plus puissant. Qu’est-ce qu’on s’amuse aussi pendant les live tweets de l’Eurovision ou des émissions de téléréalité...
Mais pour suivre de près toutes ces belles histoires, Twitter est un exemple sans équivalent d’une idée formidable, lancée au bon moment, pas si mal mise en œuvre, mais dont l’équipe a loupé le coche qui fait les Gafa. Preuve en est de son cours de bourse aujourd’hui moitié moindre que celui de son introduction fin 2013. Pour Google, il a été multiplié par 18 en 13 ans, pour Facebook, par 4 mais en seulement 5 ans. Quid des nouveautés et moonshots pour Twitter ? Du partage du marché de la publicité ? Rien.
J’ai tellement aimé Twitter, je lui ai confié tant d’heures que je vais chercher à transformer mon dépit en quelques réflexions.
 
Innove ou crève. Pour ainsi dire, toutes les innovations récentes sont venues de Snapchat, le réseau des jeunes adultes qui a dépassé Twitter en nombre d’utilisateurs. Instagram le copie et attire plus facilement influenceurs et annonceurs. Wechat a inventé les services intégrés à la messagerie et les fameux chatbots. Conclusion, Twitter n’a plus rien inventé depuis ses API et ses premières apps.
 
L’information est gratuite. Vraiment. L’usage le plus enthousiasmant de Twitter, c’est la veille et l’information. J’ai arrêté de lire tous les jours le journal depuis que je suis devenu accro à Twitter. Parce que ça m’amusait et m’informait moins. Où trouver en permanence les meilleures informations, de l’actualité la plus chaude à la réflexion la plus fouillée, du blog caché au Washington Post ?
Paradoxalement, Twitter est devenu LE métamédia, le réseau des journalistes et le porte-voix du président des États-Unis (le monde - et y compris ses proches -  est dorénavant pendu aux tweets de @realDonaldTrump), mais n’en a pas tiré une valeur particulière.
 
Twitter aurait pu devenir une fondation, un service public universel. Justement, à défaut de valeur et modèle économiques, Twitter aurait-il pu devenir une fondation comme Wikimédia qui opère l’encyclopédie Wikipédia et remplit ainsi une des missions les plus nobles du web ? C’est en tout cas ce que Mastodon propose depuis quelques semaines sur les bases et pour la communauté du logiciel libre avec des fonctionnalités équivalentes. On y retrouve la ferveur et l’excitation de la plus belle époque de Twitter, sans aucun doute sur l’usage de vos données.
 
Seule la victoire est belle. Le pire de mes reproches à Twitter, c’est d’avoir laissé Facebook et ses algorithmes gagner. Au moment où vous me lirez, nous connaîtrons le nom du nouveau président de la République. Cette campagne aura été aussi pénible qu’incertaine et Twitter m’a manqué, remplacé par Facebook, plus sensible aux fake news, aux postures d’emprunt, au selfie stick des commentaires. Twitter était pourtant le réseau du bon mot, du « RT qui ne vaut pas approbation », de ce qui a fait Internet comme on le connaît et on l’aime, dans le sérieux, le potache et l’ouvert.


Please Twitter come back... Nous nous sommes trop aimés pour que l’aventure s’achève en feu de paille. Alors, espérons que les investissements de Twitter dans l’IA et que l’amélioration de l’UX, depuis si longtemps promise par Jack Dorsey, renouvelleront nos vœux. Et que l’oiseau bleu se fera phénix.

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