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Air France annonçait le 20 juillet dernier le lancement de sa compagnie low-cost Joon, nouvelle marque « intégralement conçue en réponse aux aspirations des Millennials » (Génération Y). Simple effet de mode ? Tendance de société ? Coup de com’ autour d’un « buzzword » ? Voici quelques éléments de décryptage.

Le choix d’une marque 100% Millennials n’est pas tenable. Le 24 juillet dernier, l’émission Breakfast Television Toronto consacrait une de ses chroniques au lancement de Joon, 1ère compagnie destinée aux Millennials. A l’annonce par le chroniqueur que les avions Joon seront équipés de Wi-Fi, le présentateur, baby-boomer a réagi ironiquement : « Because Baby-boomers don’t want Wi-Fi ? ».

Cette réaction pourrait sembler anecdotique. Cependant, si les Millennials sont souvent précurseurs de tendances (notamment digitales), cela ne signifie pas pour autant que les autres générations ne sont pas intéressées par ces tendances de fond qui irriguent petit à petit la société. Certes, les Millennials « osent », sont souvent des « early adopters » des nouvelles tendances, mais les autres générations suivent le mouvement.

Par ailleurs, s’il est vrai que cette génération aime s’identifier à une marque, à un écosystème, elle fuit vers d’autres horizons dès que les autres générations rejoignent son écosystème identitaire. C’est ce qu’il se passe avec Facebook : les Millennials, lassés de recevoir des « demandes d’amis » de leurs parents ou de leurs grands-parents, se déportent vers Instagram ou SnapChat…jusqu’à ce que le phénomène ne recommence. C’est ce qui risque de se produire avec AirBnb, adopté massivement par les autres générations : les Millennials s’inventeront d’autres façons de voyager.

Si la stratégie d’Air France est d’utiliser les Millennials comme booster du démarrage de Joon, c’est donc un choix qui peut s’avérer payant à court-terme, malgré le côté « exclusif » et donc forcément discriminant de son offre. Cependant, il est probable que la compagnie ne restera pas longtemps la compagnie des Millennials uniquement, au risque de perdre son identité initiale. Elle devra alors veiller à se réinventer, à « s’auto-disrupter ».

 

Quels facteurs clés de succès pour Joon ?

La compagnie peut-elle tenir sa promesse d’être « en phase avec les attentes des Millennials » ? Le contenu détaillé de l’offre Joon n’est pas encore public, mais il est toutefois possible de donner quelques recommandations à Air France.

L’un des plus gros risques, est de tomber dans le piège de créer une compagnie alignée sur les stéréotypes fréquemment attribués aux Millennials : 100% digitaux, volatils, individualistes, éthiques,… Un focus group* réalisé au mois de juin, montre que les Millennials sont très hétérogènes dans leurs attentes et leurs usages. Les seuls stéréotypes pouvant faire sens sont ceux qu’ils valident eux-mêmes (les autostéréotypes) : il s’agit de leur rapport à l’autorité (ils ne supportent pas les injonctions : « venez explorer la Thaïlande ! », « faites-vous plaisir ! »,…), et de l’importance majeure de l’équilibre des temps de vie. L’offre Joon doit donc leur apporter une vraie valeur ajoutée sur ces deux attentes : leur faire gagner du temps et ne pas être directif dans les messages.

Les Millennials sont preneurs d’engager une relation privilégiée avec une marque, avec un lifestyle. Toutefois, ils se montrent paradoxalement extrêmement méfiants envers le marketing : ils seront encore moins naïfs avec une spin-off d’un grand groupe. Les messages devront donc être fins, et le plus transparents possible. Génération « why », fille d’une génération de parents dopés aux théories de Françoise DOLTO sur « l’enfant est une personne », les Millennials ont été éduqués à exercer leur sens critique en permanence.

Si les Millennials accordent leur confiance, et sont même prêts à payer plus cher pour une marque ou un service, il s’agit pour eux d’un véritable acte d’engagement et ils attendent d’elle une expérience client sans coutures. Le premier contact avec Joon sera donc déterminant. Au moindre faux-pas, ou si le service proposé est « gadget » ou n’apporte pas une vraie valeur ajoutée, le Millennial se détournera de Joon au profit d’une compagnie moins chère, ce qui reste l’un des critères prépondérants dans l’achat d’un billet d’avion. Pire encore, le Millennial, satisfait ou déçu, partage ses expériences, compare, échange ses bons plans ou ses galères. Celui qui devait permettre le décollage d’une nouvelle marque pourrait alors contribuer à la tuer dans l’œuf. Réponses dans quelques mois…

 

*Ces analyses et recommandations sont tirées d’un focus group réalisé sur les Young Millennials par le cabinet de conseil ORESYS au mois de juin 2017.

 

 

 

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