Tribune
Les métiers du conseil n’échapperont pas à la disruption. C'est dès maintenant que les entreprises du secteur doivent se remettre en question. Après, il sera trop tard.

Malgré l’essor des structures de conseil internes aux entreprises, le regard d’un expert extérieur reste précieux pour les dirigeants. Le métier de consultant a encore de beaux jours devant lui. Pour autant, le contexte dans lequel les organisations évoluent est très incertain : irruption brutale de nouveaux entrants, accélération des cycles d’innovation, foisonnement de technologies… Dans ces conditions, le rôle du consultant évolue : sa mission n’est plus de réduire l’incertitude, mais de définir un cap dans un environnement qui restera malgré tout instable.

Par le passé, les clients sollicitaient les cabinets de conseil avec une demande précise, qui était adressée au travers d’une grille d’analyses détaillée. Une réponse d’expert était proposée, fondée sur des éléments objectifs et rationnels. Cette méthode classique fournit toujours un cadre de réflexion. Mais, il faut savoir lui tordre le cou pour l’adapter au problème particulier du client, qui est toujours unique, sinon par son énoncé, du moins par l’environnement et la culture de l’entreprise dans laquelle il se pose. Plus que jamais, le consultant doit s’éloigner des recettes toutes faites et faire preuve de créativité : les problèmes qui se posent sont tous inédits. Par exemple, les leaders historiques des médias s’interrogent face à l’irruption d’acteurs majeurs comme Netflix : que faire d’un point de vue stratégique, social ou encore éthique ? L’enjeu n’est plus tant d’aider à réduire l’incertitude, que d’apprendre à naviguer dans l’incertitude. Et d’apprendre à l’accepter.

Créer des synergies

Pour ce faire, la clé du succès tient à la capacité à agréger un ensemble d’expertises complémentaires, potentiellement très différentes : expert de la data, stratège métier, designer d’expérience, communicant… Il faut aussi, et surtout, réussir à créer des synergies entre ces expertises pour qu’elles soient toutes alignées au service du problème du client. Autrement dit, il ne suffit pas de cumuler des talents, il faut surtout les intégrer. Cela n’implique pas nécessairement d’internaliser toutes les compétences : le modèle de l’entreprise plateforme s’affirme comme le modèle gagnant du futur. Il consiste à connecter l’organisation à un écosystème de partenaires innovants que l’on mobilise en fonction des besoins : agences média, cabinets d’innovation, agences de design, experts techniques… L’adossement à un réseau ouvert et multidisciplinaire favorise la proposition d’approches originales et créatives.

La transformation ne désigne plus le passage d’un état à un autre, mais un processus permanent. La course pour réduire le time-to-market, l’agilité des jeunes pousses, l’apparition de nouveaux concurrents imposent aux grands groupes de redéfinir leur stratégie d’innovation et d’aller toujours plus vite. Les échéances à dix-huit mois ne font plus sens : les recommandations se révèlent obsolètes avant même leur mise en œuvre ! C’est pourquoi l’approche « test & learn » devient la norme : il s’agit de penser des stratégies en quelques semaines, de les mettre en œuvre rapidement, puis d’itérer pour les rectifier et les optimiser en permanence. A la clé, un seul objectif : rester toujours au plus près des attentes du client.

Ce changement de paradigme est profond : le consultant n’est plus tant celui qui bâtit une stratégie brillante, mais celui qui se porte garant de son efficacité et de sa faisabilité. Cette exigence de pragmatisme marque un tournant : il n’y a plus la stratégie d’un côté, et l’opérationnel de l’autre. L’interconnexion croissante de ces deux sphères bouscule les rôles : les consultants prennent part aux phases de déploiement dans des missions qui associent design de la stratégie et mise en œuvre. Leur responsabilité est directement engagée.

L'impact des nouvelles technologies

Si ces transformations relatives à la posture et aux méthodes sont essentielles, le métier de consultant est également massivement impacté par les nouvelles technologies, notamment l’intelligence artificielle (IA). Les profils les plus recherchés correspondront d’une part à ceux qui maîtrisent la technologie et, d’autre part, à ceux qui apporteront des compétences complémentaires à l’IA.

En effet, l’information et l’expertise vont progressivement devenir des commodités : la valeur ajoutée du consultant tiendra à d’autres compétences. Sa capacité de communication et de storytelling, son empathie, son esprit critique compteront parmi ses qualités primordiales dans un monde régi par les algorithmes. Comme le dit Laurent Alexandre, gourou de l'intelligence artificielle, l’important ne sera pas tant de coder, que d’apprendre à décoder le monde. De plus, au-delà de la formation initiale, la formation continue s’impose comme une priorité absolue. Les compétences deviennent obsolètes, il faut s’adapter en permanence.

En fonction de leur taille, leur historique, leur culture, les cabinets de conseil appréhenderont tous de manière différente ces défis qui s’annoncent. En revanche, un point commun se dessine pour tous les acteurs : l’urgence d’un changement de posture majeur. Le consultant doit impérativement abandonner le rôle du sachant. Il ne détient plus les clés du savoir : il doit faire preuve de modestie et avancer pas à pas avec son client. Comme le disait Bill Gates, « dans le futur, les leaders seront ceux qui savent donner le pouvoir aux autres ».

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