Tribune
Le lancement de la marque inOui en septembre dernier permet à la SNCF de se différencier de la concurrence étrangère. Reste que rebaptiser un produit technologique 37 ans après son arrivée sur le marché n'est pas si facile.

Fin septembre, démarrait la campagne officielle de lancement de inOui, présenté par la SNCF comme le nouveau nom du TGV et plus largement comme la nouvelle offre de train à grande vitesse amenée à remplacer tous les TGV en circulation, hors Ouigo, à horizon 2020. inOui s’inscrit dans la « Oui Stratégie » de la SNCF : après Ouigo et Oui.sncf, voici TGV inOui.

Mais pourquoi re-baptiser le TGV ? Très bientôt, alors que la concurrence internationale va s’intensifier, l’appellation TGV ne suffira plus. TGV n’est pas un nom propre mais un nom générique, c'est-à-dire une catégorie de produit, déclinée dans leur langue par tous les concurrents étrangers pour leurs propres offres. Pour se protéger face à cette concurrence, notre compagnie nationale doit se doter de vrais noms. Car aucun nom générique, par nature non protégeable, ne fait le poids face à un bon nom propre, protégeable. Et s'il est très probablement moins explicite qu’un nom générique, un nom propre sera beaucoup plus personnalisant.

Il serait logique que l’appellation TGV perdure - elle est utile en tant que descripteur - mais des noms propres, plus différenciants, doivent être mis en avant. C’est bien la stratégie de la SNCF : pour inOui, elle a fait le choix de garder l’appellation TGV. Présent sur la livrée du train, le terme est toutefois minoré et exclu du logo inOui.

Des qualités nombreuses

37 ans après son lancement, il n'est pas toujours facile de baptiser un produit technologique. Les qualités du nom inOui sont nombreuses pour la France. Alors que TGV la jouait modeste (parler de grande vitesse pour un train qui file à la vitesse du son, ça manquait d’élan), inOui a choisi l’emphase. Inouï veut dire jamais entendu, incroyable, énorme, extraordinaire, prodigieux…, nous dit Le Petit Robert. C’est un nom audacieux, prometteur. On y reconnaît l’esprit du célèbre claim « SNCF, c’est possible » dont beaucoup se souviennent.

Pour l’international, le nom est probablement moins parlant. Inouï se dit unheard en anglais et inaudito en italien et espagnol. Mais ce nom reste acceptable : «oui» est probablement compris de la plupart des étrangers voyageant en France et «in» peut être compris comme inside (à l'intérieur). inOui peut renvoyer aux Inuits, terme identique dans les principales langues européennes, suggérant l’évasion, la nature… Donc si la promesse est moins forte à l’international, les évocations restent plutôt positives.

Le logo ne joue que partiellement

Les reproches restent tout de même possibles. On devine facilement les principaux : ce n’est plus inouï, 37 ans après son lancement, de prendre le TGV ; en quoi ce TGV est-il plus inouï que les autres, c’est prétentieux, trop prometteur, trompeur… Ces reproches sont à entendre. Pour le client, c'est important de respecter la promesse d’un nom. Si l’on a un nom original mais une réalité-produit banale, ça ne marchera pas ; ce sera même contre-productif. Si la promesse n’est pas tenue, le client se sent décu, agacé, la confiance diminue et il a envie d’aller voir ailleurs.

On se trompe en croyant que l’on peut modifier le sens d’un nom en le déconstruisant graphiquement ; le logo ne joue que partiellement sur la perception profonde d’un nom qui passe d’abord par l’auditif, le son, la parole. Si la SNCF veut réussir son opération séduction, elle doit donc faire en sorte que voyager en TGV inOui soit un tant soit peu étonnant, différent, inattendu. Si l’on analyse la campagne de lancement et le communiqué de presse, on sent que la SNCF l'a bien compris et qu’elle essaie d’aller dans ce sens. Reste à voir si les plus produits proposés seront suffisants.

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