Tribune
Face aux polémiques suscitées sur les réseaux sociaux, de plus en plus d'entreprises sujettes au bad buzz se sont professionnalisées, n'hésitant plus à plaider coupables, voire à le transformer en campagne publicitaire.

Si le nombre de bad buzz augmente moins fortement depuis deux ans, l'étude MMC des polémiques sur les réseaux sociaux en 2018 confirme que ce risque réputationnel peut profondément déstabiliser une entreprise voire ses dirigeants. En particulier dans le cas de récidives. En effet, les polémiques à répétition créent un terreau favorable à une crise médiatique grave car elles portent atteinte à la réputation d’une marque et à la crédibilité de son management. Elles peuvent aussi impacter la relation de confiance de l’entreprise avec ses clients, ses actionnaires voire ses salariés.

En témoigne Uber, la seconde marque la plus souvent exposée aux bad buzz en 2017, qui a perdu son fondateur, ou encore Tesla, qui détient la troisième place en 2018, avec une dizaine de bad buzz, et dont le fondateur a dû renoncer à sa fonction de président. Ou encore Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, très affaibli après avoir essuyé 18 bad buzz l’an dernier. Sans oublier Brian Krzanich, PDG d’Intel, qui a dû démissionner l’an dernier après trois bad buzz.

Le boycott des consommateurs se traduisant par une chute des ventes, comme Danone a pu l’expérimenter au Maroc l’an dernier, ne représente plus la seule crainte des dirigeants. Désormais, ils redoutent un mouvement d’indignation provenant de leurs collaborateurs. C’est ainsi que Google, sous la pression de ses salariés, a préféré renoncer à un contrat stratégique avec l’armée américaine. Certains collaborateurs craignaient que ce projet permettant aux drones militaires d’être plus performants grâce à l’intelligence artificielle ne soit utilisé pour lancer des missiles. Ils ont opposé le principe éthique «Don't be evil» (ne soyez pas malveillants) à leur employeur, qui a fini par les entendre.

Questions d’ordre moral

Mais les salariés ne sont pas les seuls à se préoccuper de l’éthique ; ils partagent cette exigence avec les citoyens, les consommateurs et, de plus en plus, avec les actionnaires et les fonds d’investissement. Les questions d’ordre moral s’inscrivent au cœur des bad buzz. En 2018, 84% des polémiques sur les réseaux sociaux sont générées par un manquement à l’éthique. Là où début 2000, quasiment seuls des contre-performances financières ou des échecs commerciaux pouvaient conduire à une crise grave, aujourd’hui à l’ère des réseaux sociaux, des pratiques ou des déclarations non conformes aux exigences de la morale suffisent à générer une crise médiatique.

Cependant, face à ce nouveau risque réputationnel, les entreprises se sont organisées et professionnalisées. Ainsi, celles qui préfèrent le silence à la communication font figure d’exception. En 2018, elles ont représenté seulement 20% des cas, soit 10 points de moins qu’en 2017. Elles sont également plus enclines à plaider coupables : 41% d’entre-elles choisissent cette option, souvent la plus efficace pour couper court à une crise médiatique, avec 74% de taux de succès contre 42% en l’absence de mea culpa.

Certaines, comme Starbucks, parviennent même à transformer le bad buzz en campagne publicitaire. La chaîne de café américaine a en effet réagi intelligemment à un bad buzz international. Un directeur d’un café avait fait arrêter deux clients noirs qui attendaient un ami pour passer une commande. La décision du groupe de fermer tous ses cafés pendant une demi-journée pour sensibiliser ses salariés à la discrimination raciale a été relayée largement et saluée unanimement sur la toile comme dans les médias.

Les «tabous» de la société

Reste qu'encore trop d’entreprises se font surprendre par un bad buzz, faute de bien appréhender les «tabous» de la société, comme le sexisme ou la discrimination ethnique. Dans ce domaine, les sensibilités ont fortement évolué ces dix dernières années, en particulier depuis que les minorités ont trouvé un terrain d’expression sur internet pour se faire entendre et mobiliser leur communauté.

Ainsi en proposant l’an dernier des chaussettes avec des motifs Xhosa, caractéristiques de l’esthétique d’une ethnie d’Afrique du Sud, la marque de mode Zara pensait probablement rendre un hommage à la culture de cette communauté. Cette initiative, qui aurait sans doute été saluée par l’opinion il y a dix ans, a provoqué un bad buzz. Accusée d’appropriation culturelle, le groupe espagnol a finalement renoncé à commercialiser les chaussettes controversées.

Aujourd’hui, l’enjeu des communicants est de suivre au plus près ces tabous et, ce, partout où leur marque est présente dans le monde. C’est une entreprise délicate, sachant que les sujets sensibles peuvent différer selon les zones géographiques. Dolce Gabbana pourrait en attester. En représentant dans un clip une jeune chinoise, tentant en vain de manger une pizza ou des spaghettis avec des baguettes, la marque italienne pensait faire sourire les internautes. Elle ne s’attendait certainement pas à provoquer une vague d’indignation en Chine, un marché hautement stratégique pour le luxe.

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