Tribune
Rien ne sert de chercher à acheter l’engagement de ses clients ou de ses collaborateurs. Du like au lanceur d'alerte, celui qui s’engage doit être prêt, dans les cas les plus extrêmes, à perdre quelque chose.

Depuis vingt-cinq ans que j’analyse les formes d’engagement, leur intensité, leur périmètre très variable ; je tiens à jour mon « échelle Richter de l’engagement ». L’échelle de Richter mesure une « énergie libérée » ; comment trouver une meilleure définition de l’engagement ? Une énergie pour, une énergie contre, une énergie que chaque dircom aimerait dompter, canaliser, créer ou, a minima, ne pas subir.

Si la définition de l’engagement est posée, sa gradation reste un sujet de débat. Partons du principe qu’il n’y a pas d’engagement mais seulement des preuves de l’engagement. Quels sont alors les marqueurs de l’engagement et comment les hiérarchiser ?

Versatilité

Tout commence avec l’opinion, les degrés cognitifs de l’engagement : être d’accord ou pas, aimer ou pas, être incité à… Ces tous premiers degrés se mesurent via des études d’opinion. Le digital a complexifié l’échelle de l’engagement en ajoutant quelques degrés plutôt en bas de l’échelle : liker, partager, commenter, noter, les fameuses et redoutées 5 étoiles qui semblent devoir ponctuer chaque relation de notre vie marchande mais pas seulement. L’engagement digital, souvent sollicité, parfois récompensé, peut devenir versatile, artificiel, intéressé voire vénal, ou encore carrément fake, dans le cas de likes issus de faux comptes.

Se succède ensuite l’engagement conatif (de conatus, l’effort), les comportements, les usages, les attitudes et là, l’échelle s’allonge. Signer une pétition de manière publique - car tant que l’on reste anonyme, en quoi s’engage-t-on ? -, donner son nom à une cause, la partager sur les réseaux sociaux, est le signe d’un engagement assumé. À peine sa signature apposée que l’on en vient assez rapidement au don financier. La philanthropie n’est pas récente. En 2019, elle s’incarne dans la « cagnotte » qui entre directement dans le top 5 de l’engagement. L’unité monétaire simple à comprendre et à appréhender autorise les comparaisons, permet tous les palmarès. La cagnotte devient de fait le nouveau système d’évaluation d’une cause, dont les médias s’emparent avec avidité.

Juste au-dessus, se situe le don de temps. S’impliquer dans le monde associatif mais aussi produire des contenus bénévolement pour une marque. Encore aujourd’hui les freenautes, bénévoles engagés de la première heure, viennent en aide aux utilisateurs de Free sur les forums dédiés. Arrive après cela un engagement très français : manifester, affirmer ainsi à visage découvert une conviction, en portant, par exemple, un gilet jaune.

Lanceur d'alerte

Plus haut sur l’échelle apparaissent toutes les formes de boycotts passifs puis actifs : simple refus de consommer tel produit, évitement systématique d’une entreprise ou marque pour des raisons éthiques, jusqu’au blocage d’un magasin, d’une infrastructure. Poussé plus loin, l’engagement se traduit en actes illégaux au nom de « causes » à défendre, comme l’agression d’un boucher au nom de l’antispécisme.

Enfin, tout en haut de l’échelle, culmine l’engagement total du lanceur d’alerte. Oui, aussi surprenant que cela puisse paraître, nos études(1) démontrent que le lanceur d’alerte est un collaborateur totalement engagé dans son entreprise qui, se sentant trahi par un écart aux valeurs, considère comme son devoir de la dénoncer.

Au regard de ces exemples, la gradation de l’engagement peut être déduite de l’étymologie même du mot : mettre en gage. Plus le risque est élevé et la perte grande, plus haut est l’engagement sur cette échelle. Rien ne sert donc de chercher à acheter l’engagement de vos clients ou de vos collaborateurs car derrière le rideau éphémère de la cascade de likes, vous ne trouverez que des mercenaires versatiles.

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