Tribune
Trop longtemps absent des préoccupations des marques comme des médias, le sujet du féminisme ne doit pas pour autant devenir un diktat social. Le secteur des RP ne doit pas céder au « feminism washing ».

Ces cinq dernières années, tous les responsables RP ont vu émerger une nouvelle opportunité pour attirer l'attention des médias : le féminisme. Des portraits de femmes entrepreneures aux quotas d’expertes sur les plateaux, nous en avons tous allègrement profité, d’abord, car là est notre vocation, ensuite, parce que nous avions alors le sentiment de défendre une cause, et non des moindres : la légitime représentativité des femmes dans l’économie. Force est de constater que ce mouvement, initialement louable, s’est pour le moins emballé, entre les marques s’autoproclamant pionnières en matière de lutte pour l’équité, celles s’enorgueillissant de la création ou l’existence de réseaux de femmes jusque-là inconnus ou invisibles et les unes des médias dédiées aux portraits de « femmes-entrepreneures » ou « femmes au pouvoir »… Comme une manière de laver la conscience coupable de ne leur avoir laissé, jusque-là, que trop peu de voix au chapitre ? Les communications féministes au forceps nous mettent aujourd’hui mal à l’aise en tant que professionnelles des RP, et très mal à l’aise en tant que femmes. Il est, selon nous, plus que jamais grand temps de tirer la sonnette d’alarme afin d’enrayer ce phénomène aux effets contre-productifs à terme.

Féminisation galopante

Intermédiaires entre patrons et journalistes, les professionnels des RP sont sans conteste les mieux placés pour constater cette « féminisation » galopante de la communication. Considérées tant comme un marché à conquérir que comme un outil de « blanchiment » d’un passé peu glorieux et mal avoué, les femmes sont en effet devenues en quelques années un levier de réputation et, in fine, de croissance, pour les entreprises comme pour les médias. De la naissance dans la presse économique de rubriques, chroniques ou journalistes entièrement dédiés aux femmes à l’émergence progressive de l’exigence de quotas féminins sur les plateaux télé et radio, les illustrations de ce phénomène sont de plus en plus nombreuses. Qu’il relève de l’engagement réel ou de l’opportunisme pur, cet intérêt nouveau pour la femme, en braquant une lumière jusqu’alors trop faible sur ces dirigeantes, expertes ou témoins, porte certes des enjeux et des bénéfices bien réels en matière d’équité et dont il n’est plus nécessaire aujourd’hui de se convaincre. Néanmoins, ce « combat » s’est armé dernièrement de méthodes parfois radicales, au risque d’en devenir, au mieux, dérangeantes, au pire, excluantes.

Syndrome

Désormais au cœur des préoccupations des marques et des médias, la femme comme incarnation du combat de tous au nom de l’égalité, se veut désormais l’outil du combat de chacun contre le péril sexiste. Dans les faits, les symptômes de ce glissement impactent directement les métiers de la communication : experts efficaces recalés par les rédactions parce que masculins, médias refusant des partenariats avec des événements non strictement paritaires, surmédiatisation de femmes entrepreneures au bénéfice de leurs chiffres de réussite finalement peu lisibles ou convaincants… Trahissant un syndrome dangereux de « feminism washing », ces exigences transforment progressivement notre métier de relations presse. En contraignant les agences à rechercher, au nom de la représentativité davantage qu’à celui de la légitimité, des profils féminins pour satisfaire les désirs ou contraintes paritaires­ - et ses vœux pieux associés -, ces usages tendent à éloigner les RP de leur mission essentielle : faire de la communication un levier stratégique de croissance pour l’entreprise, en dehors de tout diktat social, par nature fluctuant et si tristement éphémère. Ils éloignent aussi les femmes de leur combat réel : exister par légitimité et loin de toute suspicion de privilège genré.

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