Spécial digital
Objet de tous les fantasmes, Facebook offre la perspective d'une connaissance client inégalée. Les marques doivent-elles pour autant accorder une confiance aveugle au réseau social? Le point de vue de Laurent Buanec, responsable des nouveaux médias de Group M.

Avec plus de 23 millions d'utilisateurs actifs en France, un taux de couverture avoisinant les 90% sur certaines cibles, un temps passé quasi humiliant pour les autres sites, Facebook est devenu un carrefour d'audience incontournable. Ce n'est pourtant pas sa fonction première! Facebook est avant tout un formidable moteur de recommandation.

Si la maîtrise du bouche-à-oreille est un rêve pour tout marketeur, Facebook, c'est la mise en œuvre possible du bouche-à-oreille sous stéroïdes. Grâce à son Opengraph et à ses multiples plug-in «généreusement» offerts, Facebook sort de son cadre et envahit l'ensemble du Web pour assouvir son ambition: devenir un véritable OS (système d'exploitation) social. En clair, aujourd'hui, les marques disposent d'informations importantes sur leurs clients via leurs bases CRM: identité détaillée, cycle et historique d'achat, etc. Facebook, lui, connaît leurs goûts et centres d'intérêt, leurs liens avec d'autres individus comme avec d'autres marques.

En fusionnant ces deux bases, on obtient le Saint-Graal du marketeur: la connaissance quasi complète de son client, et donc la capacité de lui adresser au bon moment les offres ou les contenus les plus pertinents. Et en liant la plate-forme de recommandation la plus puissante et le mobile – média du dernier mètre que 48% des utilisateurs utilisent pour consulter Facebook – on mesure les impacts possibles pour une marque, à l'ère des 5 W: «Who, With  who, When, Where, What [qui, quoi, où, quand, pourquoi].»

Faut-il pour autant accorder une confiance aveugle à Facebook? Bien sûr que non. Il faut comprendre qu'après avoir poussé les marques à investir dans le recrutement de fans, le réseau social leur impose désormais d'investir pour exposer leurs contenus et engager leurs bases. Un modèle économique proche du crime publicitaire parfait. Après la Google Dependency, voilà poindre la Facebook Dependenc… Cette dépendance n'est pas qu'économique, elle est également structurelle. En liant leurs «assets digitaux» à Facebook via l'Opengraph, les marques s'exposent à certains risques. On pense notamment aux sites de marques qui utilisent des modules de connexion Facebook lorsque le système «bug», comme c'est parfois le cas.

Un acteur incontournable

La propriété des données est également un sujet sensible, puisque celles concernant les fans restent la propriété de Facebook. D'une manière générale, le risque pour les marques est d'investir massivement de façon non contractuelle sur un système à date. C'est Facebook qui dirige et, demain, rien ne l'empêchera de changer la donne. Les visions les plus conspirationnistes imaginent que Facebook pourrait, un jour, facturer certains services ou certaines fonctions aujourd'hui gratuites. Par ailleurs, le réseau social  ne transforme pas tout ce qu'il touche en or. Les perspectives très prometteuses du F-commerce ont par exemple récemment déçu.

Facebook n'est donc pas la solution miracle. Et si les marques doivent s'en méfier, elles doivent aussi et tout autant le faire de leurs aptitudes à appréhender au mieux cet écosystème complexe et mouvant. Elles doivent ainsi penser leur place au sein de cet univers. Dupliquer des modes de présence intrusifs dont elles ont l'habitude peut s'avérer préjudiciable. Il leur faut également comprendre que le temps sur Facebook est élastique. Une marque ne joue pas sa vie à chaque publication, mais doit s'inscrire dans la durée, le long terme. En revanche, les marques doivent être en capacité de réagir rapidement et de s'adapter, d'apporter des réponses à très court terme.

Pour tirer avantage de Facebook, les marques doivent donc pouvoir compter sur de vraies compétences, notamment marketing, en interne comme dans leurs agences. Penser que le «community management» est à la portée de tout le monde, puisque tout le monde gère son propre profil sur Facebook, c'est la même erreur qui a conduit certaines marques à penser qu'elles pouvaient se passer d'agences de création puisqu'un quidam était capable de faire des millions de vues sur You Tube avec son chat…

Le vrai challenge pour les marques concernant leur exploitation de Facebook et des médias sociaux va consister à repenser leur organisation en fonction de ces derniers. Marketing, communication, médias, ressources humaines, juridique et, bien sûr, relation client, presque tous les services sont concernés.

Si Facebook est devenu un acteur incontournable, il est nécessaire pour les marques de garder la tête froide, de penser avant tout objectifs, ressources, moyens, et d'éviter de rentrer par la plate-forme. L'obsession des marques pour Facebook ne doit également pas détourner leur attention et leur faire manquer d'autres (r)évolutions en cours, comme le déploiement de la télévision connectée, du Web sémantique, de l'intelligence artificielle ou encore de la robotique.

Comme Google, Facebook apparaît de plus en plus comme un nouvel «frienemy».Et c'est finalement peut-être une chance pour les marques. Que Facebook vienne bousculer Google sur le «search» et l'e-mail. Que Google vienne concurrencer Facebook sur la partie réseau social, avec Google+. Un rééquilibrage des forces permettrait aux marques d'avoir de nouveau les cartes en mains.

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