Tribune. Jean-Denis Garo, directeur communication et marketing d'Aastra constate que la communication individuelle/personnelle passe dans l'espace public, sans se soucier des éléments de langage et du contexte fournis par le service communication, ni même des chartes établies par l'entreprise.

L'entreprise a toujours eu tendance à favoriser sa communication externe au travers de son image de marque - vers ses clients, ses partenaires, ses actionnaires et aussi plus récemment la société (avec la RSE et le foisonnement de communications autour du green, du handicap) - et à moins investir dans sa communication interne. Mais si l'on constate depuis quelques années une porosité entre l'entreprise et la société, il en est de même à présent entre la communication interne et externe.

L'accès des salariés à ce que communique l'entreprise sur les marchés, dans la presse, vers ses différentes audiences est aujourd'hui facilité. Ces derniers sont effectivement beaucoup plus équipés et connectés, que ce soit par l'entreprise ou à titre personnel. Et aussi parce que la communication est devenue polymorphe, protéiforme, usant de canaux de communication considérés comme grands publics (les nouveaux Vine, Pheed, Snapchat, Instagram, Bitstrip, Ask.fm, et les plus anciens You Tube, Facebook, Twitter, groupes Linkedin ou blogs...) s'adaptant à leurs codes.

Les salariés se défient des éléments de langage. De fait, les employés ne se privent plus à présent de commenter/contester les prises de position de l'entreprise via ces mêmes médias ou des forums. L'espace d'expression (et aussi de personal branding) s'étend ainsi à d'autres territoires que ceux de l'entreprise. La communication individuelle/personnelle passe dans l'espace public, sans se soucier des éléments de langage et du contexte fournis par le service communication, ni même des chartes établies par l'entreprise. À l'ère du digital, on assiste à une accélération de ce phénomène par une nouvelle relation au travail des salariés, et une nouvelle relation aux outils de communication.

La pulsion démocratique bouleverse les règles traditionnelles. Il ne peut y avoir d'écart trop important entre la communication interne et externe. Que ce soit le contenu du message, sans rapport par exemple avec le vécu en entreprise, ou le calendrier (les salariés doivent a minima connaître une information en même temps que les clients, et non pas quelques jours après). Rien n'est plus confidentiel (off the record). Le salarié a les moyens de s'exprimer dans et en dehors de l'entreprise. Cette facilité offerte (qu'elle soit ou non favorisée dans l'entreprise) définit et bouleverse les règles traditionnelles de la hiérarchie taylorienne. Marc Fleurbaey parle ainsi de « pulsion démocratique » qui se diffuse de la sphère privée à la vie en entreprise. Auteur également cité par Jean-Marie Charpentier et Vincent Brulois dans leur ouvrage «Refonder la communication en entreprise» chez FYP en mai 2013. Victime collatérale, le manager de proximité (middle management) considère avoir un rôle dégradé, il est plus isolé.

Vers la construction d'une intelligence collective. Ces nouveaux médias favorisent une nouvelle dynamique d'organisation. La collaboration, la participation se positionnent au centre des nouvelles stratégies de communication d'entreprise. Le réseau social d'entreprise pour plus d'interactions, d'échanges, est un exemple en devenir. Les outils collaboratifs, comme le chat, la vidéocommunication, le partage de document... sont devenus de nouveaux espaces d'expression dans l'entreprise, facilités par un usage similaire dans la sphère privée. L'entreprise, s'intéresse de plus en plus à promouvoir des ambassadeurs de son image et de ses marques : des salariés souvent identifiés dans le cadre de projets de communication interne. Une passerelle entre la communication interne et externe. C'est le nouveau défi du content marketing et du brand marketing : trouver des relais pour valoriser-humaniser l'image de l'entreprise au travers d'expertises et d'individus n'appartenant pas au comex ou à la sphère des managers. C'est aussi un moyen d'unifier à la fois le message sur les valeurs, de démultiplier sa diffusion, et de le crédibiliser au travers d'experts incarnant l'entreprise.

Des salariés qui se refusent à être une cible marketing, une audience comme les autres. Les salariés, en quête de sens, ne peuvent plus être seulement adressés comme une cible marketing, la communication devant être adaptée, et pensée spécifiquement pour l'interne comme elle l'est pour l'externe. L'entreprise se doit d'ajuster l'écart entre les promesses et les réalités de sa parole, sous peine d'être sanctionnée au travers des nouveaux médias par ses salariés. La communication interne aura pourtant tout à gagner à s'aventurer sur ces nouveaux territoires, loin de constituer une menace à son encontre, en y favorisant l'engagement de ses salariés, en particulier dans un monde connecté ou la recommandation prend de plus en plus d'importance. Faire l'impasse sur celle de ses salariés serait suicidaire.

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