Tribune
Demain, nos stratégies seront moins massives: moins de publicité adressée à des publics non concernés, moins de spams, moins de papiers inutiles dans les boîtes aux lettres. Mais elles devront être plus intelligentes. Tribune de Frédéric Bedin, président du directoire du groupe Public Système Hopscotch.

Une étude récente de l'Union des annonceurs montre qu'en France les investissements en communication sont revenus à leur niveau de 2004. Je pense qu'il est logique que cela continue: la «com» ne peut pas être le seul secteur à échapper aux exigences de productivité de la part des clients. Demain, nos stratégies seront moins massives: moins de publicité adressée à des publics non concernés, moins de spams, moins de papiers inutiles dans les boîtes aux lettres. Mais elles devront être plus intelligentes: la création et l'innovation se mettant au service de l'efficacité, de la qualité, de la richesse en contenus, la technologie renforçant la finesse des interactions. En bref, la com sera plus frugale mais plus riche, plus intense en emplois et en intelligence. Les clients et les consommateurs percevront et jugeront le service rendu et la valeur ajoutée de la communication.

 

Une des raisons de cette évolution est que le marché des médias se «microsegmente», tout en conservant la magie de grands moments de communion, par exemple dans le sport ou les informations. Dès lors les opportunités sont multiples: une marque peut créer des centaines de contenus spécifiques à chaque communauté de clients, mais contribuer au financement des Jeux olympiques qui les rassemblent toutes. En revanche, elle ne peut plus assener son «Unique Proposition Publicitaire» à des consommateurs lassés de ce spamming.

 

Vers un «communities planning»

 

Comme pour les antibiotiques, la communication à spectre large peut maintenant tuer les marques qui en abusent, devenant tellement commune qu'elle semble invisible et que le client/consommateur, traité comme un microbe, développe des anticorps pour se défendre. Les business sont à repenser: puisque le modèle publicitaire est en train de toussoter, il faut imaginer d'autres flux financiers entre les marques, les agences et les médias. La valeur se crée maintenant par la qualité des contenus, la rareté, l'adaptation à des besoins pointus, l'imaginaire partagé, l'alliance subtile du matériel et de l'immatériel, le client ou le consommateur étant sensible à la pertinence du couple contenu/contexte.

 

L'analyse et l'intelligence stratégique peuvent alors permettre d'atteindre les objectifs en dépensant moins et mieux, et le rôle des agences est d'aider les clients à changer de méthode. Mais pour cela, il faut le courage de mener des expérimentations. La création sera remise au cœur des stratégies. Mais une création qui inclut les technologies, le marketing des communautés, ou «communities planning», pour remplacer le médiaplanning. Il peut s'agir aussi de passer de la création à l'innovation, et d'inventer une communication renouvelable, comme pour l'énergie, où rien ne serait gâché, mais transformé voire «up-cyclé». Ou encore investir/interagir dans des territoires tabous comme l'éducation, la religion, la politique… Après tout, il y a encore quarante ans la plupart des grands sports étaient étanches au marketing. Et pourquoi nos enfants dans les écoles devraient-ils continuer à vivre derrière une barrière artificielle pour les préserver de quelque chose qu'ils assument très bien dans leur vie?

 

Les objets connectés, futures «cibles» marketing

 

Les objets connectés commencent à communiquer entre eux, et nous allons en faire aussi des «cibles» marketing, rendant cette terminologie encore plus impropre à designer les êtres humains. Les marques vont cibler directement votre voiture, votre frigo ou votre balance; or celles-ci ne regardent pas le journal de 20 heures.

 

Enfin, comme toujours, il sera difficile de mesurer l'efficacité des investissements. La célèbre phrase «la moitié de mes dépenses de pub ne sert à rien mais je ne sais pas laquelle» est encore plus vraie lorsqu'on s'aventure dans une stratégie foisonnante de production de contenus, de multiplication des médias et des communautés. De même, les entreprises du numérique, les data scientists et les instituts d'études ont un champ de croissance immense devant eux: il est évident que l'échantillon de 1 000 personnes a ses limites pour déterminer l'engagement d'une communauté, son inclination à accepter une marque en son sein et à l'y laisser se développer.

 

Nos clients, que certains appellent encore par le mot désuet d'«annonceurs» peuvent nous demander de faire plus, mieux, et pour moins cher: ils ont raison. De notre coté, nous travaillons à recruter des profils différents, nous investissons dans la technologie et les talents pour créer les stratégies de demain. L'avenir de la communication et du marketing sera passionnant, et plus riche, mais sans doute moins dépensier.

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